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« Nuits » par Véronique Gens au Midsummer Festival d’Hardelot – Au pays où se font les « ismes » – Compte-rendu
Par-delà le thème des nuits, parfois un peu tiré par les cheveux, c’est surtout l’occasion d’entendre toute un éventail d’œuvres aux climats variés et couvrant un siècle de musique française (de 1840 à 1947), un siècle de mouvements en -isme comme le XIXe siècle a aimé en engendrer. Le symbolisme est présent en force, avec deux œuvres vocales pour quintette avec piano : le Nocturne de Guillaume Lekeu et la Chanson perpétuelle de Chausson. Toutes les œuvres chantées ont fait l’objet d’une transcription par Alexandre Dratwicki, pour offrir un écrin digne d’elle à Véronique Gens, dont on savoure ici la diction soignée et les couleurs raffinées, au service d’une déclamation refusant tout histrionisme. Autre -isme, l’exotisme, avec le très œcuménique Désir de l’Orient de Saint-Saëns, qui embrasse à la fois tout ce que son temps qualifiait l’oriental, mélodie qui reprend le mouvement lent de l’ouverture de La Princesse jaune, et à laquelle on a rattaché la suite de ladite ouverture, qui donne à l’Ensemble I Giardini une des quelques occasions qu’il a de briller seul.
À la célébrissime « Nuit d’Espagne » de Massenet répond la plus rare Orientale de Fernand de La Tombelle, aux mélismes envoûtants. Romantisme aussi, avec « L’île inconnue » extraite des Nuits d’été et le long Molto moderato du Quintette n°1 de Fauré. Quant à la dernière partie du programme, pourrait-on appeler hédonisme cette musique exaltant les plaisirs de la vie, à l’image du Molto vivace du Quintette de Charles-Marie Widor ? Y figure la page la plus inattendue, « La vie en rose », à laquelle Véronique Gens confère une élégance et une distinction qui transfigurent radicalement cette chanson, métamorphose à laquelle ne contribuent pas peu les sonorités soyeuses des cordes et le jeu sensible de David Violi au piano.
Après avoir ravi le public avec le coquin « J’ai deux amants » de Messager, Véronique Gens offre en deuxième bis cette admirable « dernière valse » qui concluait le concert, dans laquelle Reynaldo Hahn retrouvait, trois ans après Ciboulette, cette nostalgie à trois temps qu’il avait si bien illustrée avec « Amour qui meurt ».
Laurent Bury
Photo © Pascal Brunet
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