Journal

Paris - Compte-rendu : Damned, les Bostoniens à Pleyel

On espérait probablement trop d’une Damnation par les Bostoniens, équation qu’on croyait naturelle depuis le temps béni des Münch et des Monteux. Hélas le son de cette phalange, jadis si française – elle recruta ses bois longtemps au bord de la Seine – s’est drastiquement modifié. La faute, redisons le quitte à en agacer certains, à la facture instrumentale nord-américaine, et surtout aux cuivres : ces trompettes, ces trombones, ces tubas avec leurs perces dilatées produisent une avalanche de décibels inévitable qui force tout l’orchestre à hausser le ton, même quand ceux ci ne jouent pas d’ailleurs. Le pli d’un certain volume sonore est pris. Quand put-on entendre vraiment un pianissimo porté, timbré ? Pas même pendant le menuet des follets qui soulignait cruellement que lorsque le piano était tenté on ne pouvait plus le faire sonner.

Pour le reste, Levine (photo) dirige large – toujours trop lent et appuyé – mais pas sans caractère, obtient de l’orchestre des sfumatures parfois assez poétiques – toutes les musiques autour de la chanson gothique – et commet une confusion étrange entre théâtre et effet. Tout ce qu’il fait dire à Berlioz porte comme un coup de poing au plexus. Mais la narration, ce syndrome absolu de la pensée musicale du cher Hector, où s’est elle envolée ? Peu de phrasés donc, des soli (alto, hautbois) splendides, gorgeous, mais sonores, jamais réflexifs, très peu chantés dans la nuance, symphoniques en somme. Symphonique oui, c’est le terme, toujours trop lourd, trop ample, trop affirmé pour pouvoir vraiment saisir les visions nerveuses, hantées, le romantisme noir du compositeur.

Un grand satisfecit au Chœur de Tanglewood, qui soigne son français, et à la Maîtrise de Paris qui eut la bonne idée de confier le soprano solo de l’Apothéose à un garçon, le timbre voulu par Berlioz. Mine de rien cela gommait en partie la faiblesse de cette péroraison. Côté théâtre, Levine ne pouvait guère compter sur son Faust, Marcello Giordani, étranglé, incapable d’assurer la tessiture abrupte du rôle. Il préféra sagement couvrir dans Nature immense. Un Brander anonyme (Patrick Carfizzi), le Méphistophélès toujours aussi implacable mais qui paye son tribut aux années de Van Dam, un modèle en soi, tout cela risquait de laisser sur sa faim, mais c’était sans compter avec Marguerite. Alors que Régine Crespin vient de nous quitter on est heureux d’entendre Yvonne Naef. Cette diction impérieuse, cette ligne de chant à perte de vue, ces couleurs de falcon ont assuré les seuls moments de magie d’une soirée émaillée de déconvenues.

Jean-Charles Hoffelé

Berlioz, La Damnation de Faust, Orchestre Symphonique de Boston, James Levine, Salle Pleyel le 4 septembre 2007.

Vous souhaitez réagir à cet article ?

Programme détaillé de la Salle Pleyel

Les autres comptes rendus de Jean-Charles Hoffelé

Photo : DR
 

Partager par emailImprimer

Derniers articles