Journal
Paris - Compte-rendu de danse : Fleurs de Corée, Rough Cut de Pina Bausch
Comme chaque année depuis vingt ans, Pina Bausch pose pour quelques jours ses bagages au Théâtre de la Ville. Comme chaque année aussi, fidèles et inconditionnels se pressent dans le mince espoir d’une place de dernière minute (heureux abonnés !). Et comme chaque année encore, une même question court sur toutes les lèvres : est-ce un « bon » Pina ? Autrement dit, la dame de Wuppertal a-t-elle réussi une fois de plus à renouveler son art, et notre émerveillement ? La réponse cette année est oui.
Inspiré d’une résidence de la troupe en Corée du sud, Rough Cut se découvre comme le pays du matin calme : avec un étonnement ravi. Dès les premières minutes, durant lesquels deux danseurs s’échangent littéralement les souffles d’un sifflement joyeux devant l’imposante montagne blanche du décorateur Peter Pabst, on est conquis. Il ne reste plus, ensuite, qu’à se laisser porter de scènes en images, de soli féminins bouleversants à une lutte masculine façon sumo, d’une séance de bains collective à une étreinte d’amoureux sur une colline fleurie, d’un couple saisi par une course effrénée à un dialogue de sourds.
On retrouve dans ce cru 2006 les motifs favoris de la chorégraphe, images référentielles d’un univers devenu familier : le balayeur, les filles en robes fluides, les corps à corps inattendus et désarticulés, l’eau. On y goûte presque furtivement des moments de danse pure saisie par la grâce. Mais on y découvre aussi l’évocation presque subliminale d’un Orient qui n’a rien de pacotille, images vidéo d’une Séoul aux modernes solitudes voisinant avec un attachement presque organique à la nature. Et toujours, une extrême attention portée à chaque mouvement du corps, tant travaillé qu’il en redevient naturel, une créativité constante qui jamais ne laisse le spectateur en chemin, un art inégalable de mêler « poésie et vérité ». Articulé en deux parties séparées par un court entracte, ce nouvel opus nous embarque deux heures et demie durant dans un voyage immobile dont on revient plus léger. Reconnaissants devant tant de savoir-faire, et prêts à tenter à nouveau l’aventure.
Théâtre de la Ville, le 17 juin. Jusqu’au 4 juillet
Isabelle Calabre
Photo : L. Philippe
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