C’est la crise ! Malgré la tentative de désinformation d’une gazette, La Pétaudière nationale, l’évidence s’impose : les troupes de Pétaud VIII ont été écrasées par celles d’Alexibus XXIV. A la cour de Pétaud on attend la naissance de celle qui deviendra la princesse Girandole (personnage central des actes 2 et 3) et, sous la conduite du flagorneur Volteface, on se prépare aussi à la situation engendrée par la victoire d’Alexibus. Ainsi commence La cour du roi Pétaud de Léo Délibes, un vrai bijou de l’opérette de la toute fin du Second Empire (1869) que l’on sait gré aux Brigands d’avoir exhumé. Contrairement à ce que l’on finit parfois par imaginer, il y avait une vie à côté d’Offenbach et cette production fait entendre un auteur au style personnel parvenu au meilleur de son art dans le domaine de la musique légère, bien aidé en l’occurrence par l’excellent livret de Jaime et Gille.

Un seul conseil à vous donner en ces temps de morosité : courrez découvrir une partition loufoque et « rebondissante » à souhait ! Ensoleillée par la mise en scène colorée, vivante et toujours de bon goût de Jean-Philippe Salério, dans une scénographie de Florence Evrard et des costumes d’Elisabeth de Sauverzac, La cour du roi Pétaud pétille sous la direction de Christophe Grapperon (excellente réduction de la partie d’orchestre pour petit ensemble signée Thibault Perrine !). Après avoir fréquenté des partitions de l’entre-deux-guerres, sympathiques mais en rien inoubliables, les Brigands reviennent au répertoire XIXe qui les a fait connaître. Ouf !, a-t-ton envie de s’exclamer. Avec cette Cour du roi Pétaud, on retrouve la compagnie à son meilleur niveau.

Dans ce sans faute complet, les treize protagonistes ne méritent qu’éloges, avec, importance des rôles oblige, une mention particulière pour le Pétaud de Rodolphe Briand, l’Alexibus de Vincent Deliau et le Volteface de Flannan Obé, impayable dans la peau du manipulateur et grand maître ès retournements de veste. Epatantes aussi Emmanuelle Goizé pour le rôle travesti du prince Léo et Mélody Louledjian en Girandole - dont la métamorphose de pucelle cruchotte en nymphomane de première catégorie vaut son pesant de sex toys !

On s’en souviendra longtemps, tout comme de l’entrée très «khadafienne » d’Alexibus à la cour de Pétaud - lunettes noires, uniforme blanc et interminable traîne rouge -, ou de la scène durant laquelle quatre péripatéticiennes entreprennent d’expliquer à Girandole les manifestations… concrètes de l’amour. Rude tâche… Même la demoiselle gainée de vinyle rouge n’y parvient pas avec son joli quatrain. Et pourtant, elle ne ménage pas ses efforts et va jusqu’à adopter la prononciation restituée chère à certains de nos baroqueux – c’est dire… « Délicieussss » petit clin d’œil-coup de griffe !

Il faudrait des pages pour décrire toutes les situations cocasses dans lesquelles on retrouve Volteface. Ne retenons que son apparition en Cupidon façon Banana Café – « aille !, tu me fais mal à l’aile ». Franchement, tout aura été mis en œuvre pour éduquer, ou plutôt rééduquer Girandole, pauvre victime d’un drôle de petit dictionnaire…

Comment se termine La cour du roi Pétaud ? Fort bien. On célèbre l’Amour dans une vibrante unanimité et le brave et généreux monarque décide de décorer tout le monde de l’Ordre de l’Eléphant Vert de 1ère classe. Mais avec suppression définitive de la pension… Il ne faudrait tout de même pas pousser !

Alain Cochard

Léo Délibes : La Cour du roi Pétaud – Théâtre de l’Athénée, le 18 décembre 2008, puis les 20, 21, 23, 27, 28, 30, 31 décembre 2008 et les 3 et 4 janvier 2009.

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