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Paris - Compte-rendu : Songes menteurs. Juliette ou la clé des songes à la Bastille
Qu’elle est belle cette production de Richard Jones, emprisonnée dans les espaces multiples de ce gigantesque accordéon qui pourtant résonne si peu dans la partition de Martinu. La forêt du second acte, avec ce corniste têtu et cette pianiste qui passe au loin assise à son piano, est comme un précipité du doux esprit surréaliste qui berce le théâtre un peu absurde de Neveux. Dans ce paradis de la mémoire inexistante, les errements amoureux de Michel, perdu dans les méandres du temps ont inspiré à Martinu une musique déconcertante, presque une musique d’ameublement, ce qu’a bien compris Jiri Belohlavek qui ne se laisse jamais emporter par la tentation symphonique.
Un plateau excellent sauve cette reprise qui connut des débuts délicats : la première fut repoussée, laissant place à la générale. Alexia Cousin et William Burden qui devaient incarner Juliette et Michel avaient renoncé. John Graham-Hall, plus connu pour de mémorables Alva, possède la tessiture de Michel. Il maîtrise la délicate prosodie de Neveu et son français ne mérite que des éloges. Grande silhouette, beau gosse, il est le double blond de Gérard Philippe qui a marqué le personnage à jamais dans le film de Marcel Carné. Vue cette saison in loco en Musette, Elena Semenova ne peut prétendre qu’à un français approximatif, mais son grand soprano et sa colorature mordante donnent un relief considérable à Juliette et son jeu irradiant dessine plus qu’un personnage, un destin.
Compagnie de chant impeccable, avec les incarnations percutantes où poétiques de Michèle Lagrange, Paul Gay, René Schirrer impayable en Père la jeunesse, Martine Mahé, Andreas Jaggi, commissaire désopilant, Christian Tréguier, Xavier Mas et son matelot au joli désir de châle, et bien sûr Alain Vernhes. Une œuvre rare, rêvée à Paris par Martinu durant les années trente, véritable témoin de son époque. Courez-y, vous n’aurez pas avant longtemps l’occasion de faire connaissance avec cette partition trop rarement montée en dehors de Tchéquie.
Jean-Charles Hoffelé
Première de la reprise de Juliette ou la clef des songes de Bohuslav Martinu, Opéra Bastille, le 3 février, puis les 6, 10, 13 et 16 février.
Portfolio de mise en scène (2 photos)
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Photo : Eric Mahoudeau/ Opéra national de Paris
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