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Piotr Beczala en récital au Palais Garnier - Viendra, viendra pas ? – Compte-rendu

En acceptant de remplacer Roberto Alagna dans le Lohengrin qui devait marquer les débuts du Français à Bayreuth, Piotr Beczala a fait craindre à ses admirateurs qu'il renonce à son récital parisien. Fort heureusement à l'heure dite, sous les ors de Garnier, il était présent, accompagné par l'excellente Sarah Tysman.

Rébarbatif au premier abord, le programme choisi par le ténor polonais s'est transformé en moment de grâce. A plus de cinquante ans, Beczala peut se targuer d'avoir conservé une voix fraîche et souple, doublée d'une diction d'une rare intelligibilité qui lui permet de raconter avec le plus grand naturel et la plus fine poésie ces Amours du poète de Schumann placés en ouverture. L'élégance du phrasé, la subtilité du propos savamment tissé, sont d'une telle précision et d'une si grande éloquence que l'auditeur pénètre chaque lied comme si la langue allemande lui était familière. Troublé, ému, fanfaron, obsédé, ce narrateur capable de pleurer en rêve, « Ich hab'im Traum geweinet », est un parangon de sensibilité diaprée, un authentique passeur qui connait son Heine sur le bout du doigt.

Après nous avoir ravi dans la langue allemande, Piotr Beczala a offert un bouquet sept mélodies de son compatriote Mieczyslaw Karlowicz (1876-1909). Là encore, la clarté de l'émission, la simplicité avec laquelle le chanteur anime la ligne mélodique et la pare d'une extrême délicatesse sont exemplaires, d'autant que l’éclairage de la pianiste est un atout considérable. Le cycle de Mélodies tziganes op. 55 de Dvorak, souvent donné en allemand, retrouve toute sa saveur dans sa versio originale en tchèque. S'appuyant sur un piano aux lignes dansantes, Beczala fait chanter l'âme tzigane sous les traits d'un bohémien amoureux, nostalgique et viscéralement libre, auquel il prête son timbre juvénile aux accents bondissants. Enfin, quatre mélodies de Rachmaninov dont la merveilleuse « Ne poj, krasavitsa pri mne! » op. 4 n° 4, divinement déclamée dans un russe idoine, est venue conclure ce florilège, porté par le jeu frémissant de Sarah Tysman.
Dans une forme radieuse, même après ce périple, le ténor est revenu pour offrir à son public deux chansons napolitaines (« Mattinata » de Leoncavallo et « Cor'ngrato » de Cardillo) gorgées de soleil, une dédicace « Zueignung » de Strauss d'une facilité déconcertante, ainsi qu'un lied d'Ossian aussi pur que déchirant, extrait de ce Werther dans lequel il triompha sur la scène de la Bastille en janvier 2016.(1)  
 
 
François Lesueur

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(1) : www.concertclassic.com/article/werther-lopera-bastille-un-plaisir-toujours-renouvele-compte-rendu
 
Paris, Palais Garnier, 8 juin 2018

Photo © Johannes Ifkovits
 
 

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