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Récital Nathalia Milstein – Un piano en Italie – Compte-rendu

Une jeune femme à la silhouette d’adolescente longiligne entre en scène. Vite assise (serait-elle timide ?), elle s’adresse au public. Son  programme est organisé en lien étroit avec  le « Voyage en Italie » du musée du Louvre. Dès les trois sonates de Scarlatti (K. 531, 481 & 517) les qualités de cette pianiste qui avait gagné à 20 ans le Concours de Dublin en 2015, éclatent : intelligence, surprenante maturité, profondeur du jeu (pensé en longues phrases, avec des silences jamais écourtés … ; un témoignage de l’enseignement reçu de Nelson Goerner ?). Il y a une jubilation très particulière dans l’œuvre de Scarlatti – si génialement faite pour le piano au moins autant que pour le clavecin – que cette interprète, qui ne cède aucunement au « trop vite » contemporain,  rend à merveille.

La suite du programme joué en continu a niché la sympathique Sonate op. 25 n°5 de Muzio Clementi (1) au centre d’un curieux doublé Mendelssohn-Liszt – « Voyage en Italie » oblige. Difficile, en effet, d’enchaîner, à deux reprises, une exquise « romance sans paroles » à un sommet du répertoire, tel que les deux grands extraits de la 2ème Année de Pèlerinage. Happés par la tension nécessaire aux deux « morceaux de bravoure » qui s’y enchaînaient, les deux courtes pièces de Mendelssohn (op. 19 n°6 et op. 62 n°5), pourtant infiniment moins « difficiles » techniquement, ont manqué de l’ « abandon » nécessaire pour que leur charme opère pleinement. Quant aux pièces de Liszt,  on y a admiré la maîtrise technique, le pilotage mental (rien de plus facile que de se noyer dans la Dante – ce qui n’a pas été le cas ici). Il y a sans doute manqué, dans le Sonnet 104 (d’avantage que dans la partie centrale de la Dante), cet apparent laisser-aller, cette sensualité, ce lyrisme naturel (il ne faut jamais perdre de vue que la première version du Sonnet 104 est chantée) que seuls savent déployer en concert ceux qui sont familiers de ce répertoire. Car pour Nathalia Milstein ce programme, spécialement conçu pour l’Auditorium du Louvre et jamais « rodé » auparavant, était une première. Dès lors on ne peut qu’admirer cette artiste plus que prometteuse.

Stéphane Goldet

(1) Enregistrée en 1955 par Horowitz qui avait à cette occasion fait sortir Clementi de l’oubli, parfois aussi jouée par A-B. Michelangeli cette plaisante sonate (la plus célèbre peut-être des quelques 55 que laisse Clementi), écrite à Londres aux environs de 1790,  commence comme du Scarlatti et finit dans le paysage du jeune Beethoven.

Paris, Auditorium du Louvre, 16 janvier 2020

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