Du 9 au 25 mars, Parsifal occupe la scène de l’Opéra de Lyon. Concertclassic a interrogé François Girard, metteur en scène d’un spectacle monté en coproduction avec le Metropolitan Opera de New York.

Est-il possible de faire du théâtre avec la religiosité de Parsifal, ou l'abordez-vous sous un angle mystique, tourné vers la contemplation ?

François GIRARD : C'est vrai que c'est un chef-d'oeuvre irrésolu. Du point de vue musical, le fait que ce soit à la fois l'aboutissement de l'art de Wagner et sans aucun doute une des œuvres les plus importantes de l'histoire de la musique, sonnant la fin du romantisme, ne fait aucun doute. En revanche, du point de vue dramaturgique, c'est un peu plus compliqué.
Mon intuition, c'est que Wagner, se sachant mourant, a cherché à réconcilier dans cette œuvre finale toutes les influences qui l'ont traversé, des racines chrétiennes de son enfance au nihilisme ou à Schopenhauer. Il avait d'ailleurs à l'époque d'autres projets autour de Bouddha ou Jésus Christ mais, ayant l'intuition qu'il n'arriverait à en faire qu'un seul, il a choisi de les télescoper. Il cherchait à réconcilier l'irréconciliable.
C'est ce qui donne à mon sens à l'oeuvre cette altitude exceptionnelle, même si cent trente ans de recherches et de publication n'ont pas encore permis d'en percer le mystère. C'est pour ça que j'ai choisi de partir des personnages, de chercher à les faire vivre de façon effectivement théâtrale pour que le public puisse se reconnaître en eux.

Comment comptez-vous vous y prendre ?

F.G. : Je voulais me détacher de l'imagerie médiévale, non pas pour kidnapper l'oeuvre mais pour interpeller les spectateurs. Plutôt que de présenter des personnages monastiques venant de légendes étrangères ou de mythes vaporeux, on a choisi de faire entrer Parsifal dans notre quotidien.
L'opéra commencera par un effet miroir au début où le public se voit lui-même. À peu près 80 personnes seront assises sur scène face au public, habillées comme lui, et de cette masse humaine vont peu à peu s'extirper les personnages, ne gardant que leur chemise blanche pour former la communauté des chevaliers.
C'est une façon de dire au public que c'est de lui dont il est question. La compassion qui manque à la communauté du Graal, la tentation d'Amfortas, c'est la nôtre. Cette spiritualité qui se perd, c'est la nôtre. Il s'agit d'une actualisation du point de vue de l'époque mais je pense pourtant n'avoir jamais été aussi scrupuleux quant au respect des didascalies. Je suis resté très près de l'oeuvre. On a simplement voulu habiller l'opéra d'une robe contemporaine pour que les personnages soient un peu comme les voisins de banc des spectateurs.

Comment traitez-vous la temporalité particulière de Parsifal, cette lenteur à pas de géant ?

F.G. : Comme dans Siegfried que j'ai déjà monté, il s'agit d'une pulsation méditative. Il ne faut surtout pas chercher à y résister. Au contraire, il faut l'embrasser. C'est ce que j'ai fait. Il n'y a rien de pire que de chercher à remplir la lenteur avec des actions qui n'auraient pas de sens. Je pense qu'une des notions importante chez Wagner, c'est de redonner au temps une échelle qui serait humaine.
Il y a quelque chose dans Parsifal qui va bien au-delà des notes et du rythme. Techniquement, ce n'est pas un opéra difficile pour un orchestre. Ce qui est difficile, c'est d'en capter le souffle, de se mettre dans cet état de transcendance. On franchit le mur de son avec Parsifal. On est dans le vol plané. »

Propos recueillis par Luc Hernandez, le 5 mars 2012

Wagner : Parsifal
9 au 25 mars 2012
Opera national de Lyon
www.opera-lyon.com

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Photo : DR