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Rennes - Compte-rendu : Le Vampire de Marschner - Le coup du collier
Dracula était transylvanien, il semblait donc logique qu’un représentant d’un pays carpatique se colle à la mise en scène de ce Vampyr selon Heinrich Marschner dont l’action se déroule…..en Angleterre. Car c’est évidemment le roman de Byron qui sert de trame au livret de Wohlbrück et non le héros de Bram Stoker, encore dans les limbes en 1827.
Par quelle étrange fantaisie Zoltan Balazs a-t-il invité chez Byron le théâtre Kabuki ? Cette translation esthétisante, avec ses codes volontiers hermétiques ajoute un degré supplémentaire de confusion dans une intrigue peu lisible qui fit toujours la mauvaise fortune d’un opéra par ailleurs fascinant.
Wagner adulait ce Vampyr, dont les moments surnaturels flattaient un goût de l’étrange qu’il illustrera seize années plus tard avec son Fliegende Holländer (la Romance d’Emmy servira de modèle à la Ballade de Senta), mais c’est plutôt au génie de Berlioz, encore à naître, que l’on songe en écoutant l’orchestre inventif déployé ici par le Saxon, avec ses utilisations inspirés des bois – le contrebasson, surprenant - et son harmonie assez révolutionnaire pour l’époque.
Pourtant c’est d’abord par son sujet que Der Vampyr, qui demeure avec Hans Heilling son plus éloquent ouvrage lyrique, connut une certaine fortune posthume. L’Opéra de Rennes a joué gros en présentant cette partition délicate qu’un chef peu aguerri peut ruiner en une minute.
Olari Elts a su trouvé dès l’ouverture le ton altier et la battue légère qui convient à cet opéra romantique que Weber n’eût pas désavoué : il y faut une fantaisie suprême, beaucoup d’élégance – jusque dans le long divertissement des chansons à boire au II – et surtout des tempos prestes qui enlèvent l’action et permettent aux crimes du Vampyr de se parer de cette étrange poésie qui forment dans l’ouvrage autant de parenthèses déconcertantes : Zoltan Balazs illustre la morsure fatale par le jeux systématique d’un collier de perles apposé par le Vampire sur le cou de ses victimes.
Nabil Suliman a bien le timbre de baryton sombre voulu par Marschner pour son rôle-titre, et l’ensemble de la distribution soutient dans un allemand parfois équivoque l’ouvrage avec engagement sinon en disposant toujours des moyens vocaux idoines.
Marc Haffner peine en Edgar Aubry, souvent en défaut de justesse, Vanessa Le Charlès triomphe des aigus redoutable de Malvina (écris pour la Streit), Christophe Fel campe avec fatalisme les trois pères malheureux, François Piolino réussit à donner du sel aux apparitions de Georg Dibdin, créant derrière le masque du maquillage un vrai personnage, et Karine Andebert épate dans le numéro où Suse morigène les buveurs.
Révélation de la soirée, le beau soprano lyrique d’Helen Kearns, irlandaise et donc sensible au ton romanesque de Byron qui s’est tout de même infiltré dans l’opéra. Déjà remarquée dans le Golem à Nantes (Miriam), cette artiste possède un timbre décidément attachant, qui prend sans complexe la succession de la Devrient, créatrice du rôle d’Emmy, mais parvient également à incarner une Janthe émouvante.
Le spectacle paraîtra au Festival de Szeged, les 15 et 16 novembre prochains, dans le cadre des finales du Concours et du Festival d’Opéra dont il sera le couronnement. Belle idée que d’avoir à cette occasion permis la renaissance du Vampyr, alors même que celui ci ouvre également la nouvelle saison de l’Opéra de Bologne. Son temps serait-il venu ?
Jean-Charles Hoffelé
Heinrich Marschner, Der Vampyr - Opéra de Rennes, le 31 octobre, puis les 2, 4 et 6 novembre 2008
Photo : DR
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