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Reynaldo Hahn par les Frivolités Parisiennes à la Bibliothèque nationale de France – Inédit et inattendu – Compte-rendu
Un concert Reynaldo Hahn en parallèle de l’exposition Marcel Proust de la Bibliothèque nationale de France ? (1) Rien de plus normal dira-t-on compte tenu des liens, brièvement amoureux puis durablement amicaux, qui ont uni les deux artistes. Sans doute mais, par-delà la logique de cette concomitance, le programme « Inédits de Reynaldo Hahn » proposé par Les Frivolités Parisiennes démontre d’abord que ce compositeur, largement ignoré et snobé il n’y pas si longtemps encore, trouve enfin la place qui lui revient.
Loin d’être le fruit du hasard, le grand retour de l’auteur de Ciboulette résulte du travail d’interprètes et de musicologues, au premier rang desquels figure Philippe Blay, conservateur en chef à la BnF. Ce merveilleux connaisseur de l’œuvre de Hahn – fort du soutien indéfectible d’Eva de Vengohechea, petite-nièce du compositeur et dépositaire de son droit moral – a, grâce au Palazzetto Bru Zane, posé un jalon essentiel dans le mouvement de redécouverte en cours en coordonnant un colloque Hahn à Venise en 2011 (dont les actes ont été publiés dans les collection Actes Sud / PBZ). L’an passé, il a signé chez Fayard, un indispensable « Reynaldo Hahn » et, il vient tout juste de nous offrir le « Journal. 1890-1945 » (2), document aussi passionnant qu’instructif sur le compositeur et l’époque dans laquelle il a évolué.
A la BnF, le public a pu retrouver avec le plus grand plaisir Philippe Blay, aux côtés de Mathias Auclair, directeur du département de la Musique de la BnF, et de Christophe Mirambeau, membres de l’équipe dirigeante des Frivolités Parisiennes et concepteur du programme, tous trois installés côté cour de la vaste scène et ponctuant le concert de commentaires aussi concis que bienvenus.
Reynaldo Hahn - Musica, déc. 1902 © Bibliothèque du Conservatoire de Genève
Un concert qui aurait pu ne pas se tenir, si Nicolas Royez n’avait été à même de remplacer en dernière minute – et avec quel talent ! – un collègue souffrant pour interpréter un programme quasiment identique à celui initialement prévu.
Le pianiste fait d’abord équipe avec le violon d’Antoine Paul dans la charmeuse Romance, avant d’être rejoint par Mathieu Dubroca (photo) pour les Chansons grises (où figure la fameuse Heure exquise), cycle de 1893 sur des poèmes de Verlaine qui a énormément contribué à la réputation de Hahn. Primauté du texte : par la clarté de la diction, l’élégance du chant et la complicité d’un pianiste sous les doigts duquel la musique agit tel un révélateur de la substance poétique, le baryton rend pleinement justice au recueil.
De six ans postérieur à la Romance, le Nocturne pour violon (1906), se déploie ensuite sous l’archet de Florian Perret, délicat et rêveur. La voix est de retour avec Sagesse (1895, cycle de mélodies inédit, resté inachevé à l’instar des ouvrages auxquels Hahn travaillait au moment de sa relation avec Proust. Le compositeur avait en projet un vaste ensemble de mélodies sur des poèmes issus de recueil de Verlaine.
Seules quatre pièces on été menées à terme et font entendre un inspiration très différente de celle de Chansons grises. Une atmosphère grave, sombre, que Mathieu Dubroca traduit avec une grande justesse, toujours prenant et sans aucune emphase. Temps fort de ce Sagesse, Un grand sommeil noir saisit littéralement, avec des basses sépulcrales au clavier. De 1892, et déjà sur un poème tiré du recueil de Verlaine, D’une prison tient lieu de complément, d’autant mieux venu dans le contexte proustien de la BnF que Hahn l’interpréta lors de la première visite que lui rendit l’écrivain, le 6 août 1894.
L'équipe des Frivolités Parisiennes au grand complet ; Christophe Mirambeau (assis au centre) © Bernard Martinez
Reynaldo Hahn éprouvait un vif intérêt pour la musique des siècles passés ; ainsi s’est-il servi d’un thème du Xerse de Cavalli pour des Variations chantantes pour violoncelle et piano que Florian Chevallier et Nicolas Royez défendent avec beaucoup de délicatesse. « Un ignorant émouvant qui veut faire croire qu’il est d’avant-garde » : Reynaldo Hahn avait la dent dure envers Erik Satie et c’est un portrait-charge de l’auteur des Gymnopédies qu’il livre dans le Carnaval des Vieilles Poules, pour quatuor à cordes et piano, dont les membres des Frivolités Parisiennes (l’alto d’Oriane Pocard-Kieny s’est joint aux instrumentistes précités) soulignent avec tact l’humour mordant.
La harpe de Chloé Ducray se substitue au piano de Nicolas Royez pour la dernière œuvre du programme : les Portraits de Peintres (1894), unique collaboration de Proust et Hahn. Originellement pour piano, les quatre pièces du recueil sont ici proposées dans une version chambriste. Philippe Perrin a signé un arrangement d’une grande finesse, où la harpe apporte une dimension impalpable et merveilleuse à un ensemble dont chaque volet est précédé du poème dit avec simplicité par Mathieu Dubroca.
Programme rare, froid polaire, horaire peu pratique (18h30) et Grand Auditorium de la BnF exceptionnellement rempli : qui a dit que le public manquait de curiosité ? Quant aux Frivolités Parisiennes, elles n’en ont pas fini avec Reynaldo Hahn puisqu’on les retrouvera dans la fosse de l’Athénée, sous la direction de Samuel Jean, du 7 au 16 avril prochains pour la reprise de Ô mon bel inconnu, tout récemment applaudi à l’Opéra de Tours (3).
Alain Cochard
(2) « Reynaldo Hahn : « Journal. 1890-1945 » (Gallimard/BnF 400 p. / 28 €)
(3) www.concertclassic.com/article/o-mon-bel-inconnu-de-hahn-guitry-lopera-de-tours-fidele-et-charmeur-compte-rendu
Paris, Grand Auditorium de BnF, 12 décembre 2022
Photo © DR
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