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Robbins / Balanchine / Cherkaoui, Jalet à l’Opéra de Paris - Silence on tourne - Compte rendu
Robbins / Balanchine / Cherkaoui, Jalet à l’Opéra de Paris - Silence on tourne - Compte rendu
On tourne beaucoup dans ce bel hommage à un Ravel ayant inspiré les chorégraphes, et, de Balanchine pour La Valse en 1951 à Cherkaoui pour Boléro en 2013, le fossé est plus qu’intéressant : des styles, des époques, une façon de s’attacher à l’esprit français qui imprègne tant la musique de Ravel, du moins ce qu’on croit en percevoir. Seul, sans doute, Jérôme Robbins y parvient parfaitement avec sa version de En sol. Lui seul, avec sa délicatesse pointue a su faire revivre le climat léger, primesautier, d’une époque au bord de ses drames, et dont Ravel, en 1932, croquait à vif la fausse insouciance.
Robbins, on le sait, est le maître de l’esquisse, du parcours sans pathos, avec une grâce ténue dans les gestes et des mouvements contradictoires qui font que les corps parlent vrai. Sa chorégraphie pour En sol, en 1975, est un bijou de fraîcheur, de légèreté juvénile, d’acuité graphique, avec les couleurs acidulées de ses maillots de plage rayés, signés Erté. Et les danseurs de l’Opéra s’y ébrouent comme des gamins facétieux, tandis que l’adage met en scène un couple poétique aux humeurs changeantes, où Léonore Baulac, récente étoile, donne le meilleur d’une technique sûre et d’une finesse joliment mutine qu’on avait déjà distinguée sans toujours être convaincu. Tandis que Germain Louvet, lui aussi dernièrement nommé, doit trouver plus de densité pour imposer sa marque d’étoile.
Robbins, on le sait, est le maître de l’esquisse, du parcours sans pathos, avec une grâce ténue dans les gestes et des mouvements contradictoires qui font que les corps parlent vrai. Sa chorégraphie pour En sol, en 1975, est un bijou de fraîcheur, de légèreté juvénile, d’acuité graphique, avec les couleurs acidulées de ses maillots de plage rayés, signés Erté. Et les danseurs de l’Opéra s’y ébrouent comme des gamins facétieux, tandis que l’adage met en scène un couple poétique aux humeurs changeantes, où Léonore Baulac, récente étoile, donne le meilleur d’une technique sûre et d’une finesse joliment mutine qu’on avait déjà distinguée sans toujours être convaincu. Tandis que Germain Louvet, lui aussi dernièrement nommé, doit trouver plus de densité pour imposer sa marque d’étoile.
En sol © Laurent Philippe
Un autre monde, celui du Bal des debs, ou plutôt d’une société wasp, dépeinte par un Balanchine au sommet de son élégance mondaine et de sa chorégraphie hautaine. Daté de 1951, son ballet accole les Valses nobles et sentimentales à la célèbre et tourbillonnante Valse et met en scène des couples aux échanges harmonieux et suprêmement bien élevés, qu’il fait tourner, tourner et encore tourner. Avant que le drame ne s’insinue dans cet état de grâce aérienne par l’apparition de la mort qui enlève l’étoile grisée et brisée. On doit ici insister sur la forte présence de Dorothée Gilbert, plus féminine qu’elle ne l’est à l’ordinaire, et aidée en cela par son magnifique partenaire, Matthieu Ganio. Il faut dire aussi, que dans cette belle séquence, les vedettes sont véritablement les longs tutus vaporeux qu’imagina la fameuse costumière Barbara Karinska, dans de délicieux envols violets, parmes et mauves, en un camaïeu délicat qui exalte la légèreté de la chorégraphie.
Et puis, Le Boléro, que le talentueux Sidi Larbi Cherkaoui fit en 2013 pour le ballet de l’Opéra, avec son complice Damien Jalet. Là aussi un vertige de girouettes, inspirées des derviches, encore que ceux-ci y trouvent certainement une transcendance qui nous échappe, tandis qu’ici, c’est plutôt une bacchanale avec museaux peinturlurés et affreux costumes façon bandes Velpeau de Riccardo Tisci. Certes, Cherkaoui, qui dirige aujourd’hui le prestigieux Ballet des Flandres à Anvers, a la maîtrise de la scène et une séduisante tendance au spectaculaire, ici fortement exaltée par la scénographie de Marina Abramovic, laquelle propose en vidéo un mur vertical où se reflètent les évolutions des danseurs. Donc, tournez manège, et on ne sait plus où donner du regard, tandis que l’attention se détache.
Facile, assurément que cette tournante continue qui de surcroît n’épouse que le côté oriental de la musique de Ravel, sans y retrouver l’ossature de la mélodie s’enroulant autour de la stance-axe rythmique. Cela, Béjart l’avait totalement perçu et su le rendre avec une simplicité radicale. Ce que l’on appelle un chef-d’œuvre, et qui rend sa version du Boléro aussi historique que son Sacre du Printemps, inégalé. Mais la vision de Cherkaoui n’a rien de désagréable, il faut le dire, sauf peut-être son mauvais goût, que la battue quasi hystérique du tout jeune chef Maxime Pascal n’a pas aidé à gommer.
Jacqueline Thuilleux
Un autre monde, celui du Bal des debs, ou plutôt d’une société wasp, dépeinte par un Balanchine au sommet de son élégance mondaine et de sa chorégraphie hautaine. Daté de 1951, son ballet accole les Valses nobles et sentimentales à la célèbre et tourbillonnante Valse et met en scène des couples aux échanges harmonieux et suprêmement bien élevés, qu’il fait tourner, tourner et encore tourner. Avant que le drame ne s’insinue dans cet état de grâce aérienne par l’apparition de la mort qui enlève l’étoile grisée et brisée. On doit ici insister sur la forte présence de Dorothée Gilbert, plus féminine qu’elle ne l’est à l’ordinaire, et aidée en cela par son magnifique partenaire, Matthieu Ganio. Il faut dire aussi, que dans cette belle séquence, les vedettes sont véritablement les longs tutus vaporeux qu’imagina la fameuse costumière Barbara Karinska, dans de délicieux envols violets, parmes et mauves, en un camaïeu délicat qui exalte la légèreté de la chorégraphie.
Et puis, Le Boléro, que le talentueux Sidi Larbi Cherkaoui fit en 2013 pour le ballet de l’Opéra, avec son complice Damien Jalet. Là aussi un vertige de girouettes, inspirées des derviches, encore que ceux-ci y trouvent certainement une transcendance qui nous échappe, tandis qu’ici, c’est plutôt une bacchanale avec museaux peinturlurés et affreux costumes façon bandes Velpeau de Riccardo Tisci. Certes, Cherkaoui, qui dirige aujourd’hui le prestigieux Ballet des Flandres à Anvers, a la maîtrise de la scène et une séduisante tendance au spectaculaire, ici fortement exaltée par la scénographie de Marina Abramovic, laquelle propose en vidéo un mur vertical où se reflètent les évolutions des danseurs. Donc, tournez manège, et on ne sait plus où donner du regard, tandis que l’attention se détache.
Facile, assurément que cette tournante continue qui de surcroît n’épouse que le côté oriental de la musique de Ravel, sans y retrouver l’ossature de la mélodie s’enroulant autour de la stance-axe rythmique. Cela, Béjart l’avait totalement perçu et su le rendre avec une simplicité radicale. Ce que l’on appelle un chef-d’œuvre, et qui rend sa version du Boléro aussi historique que son Sacre du Printemps, inégalé. Mais la vision de Cherkaoui n’a rien de désagréable, il faut le dire, sauf peut-être son mauvais goût, que la battue quasi hystérique du tout jeune chef Maxime Pascal n’a pas aidé à gommer.
Jacqueline Thuilleux
Robbins / Balanchine / Cherkaoui, Jalet - Paris, Palais Garnier, 2 mai ; prochaines représentations, les 10, 11, 14, 16, 17, 18, 19, 20, 23, 24, 25, 26 & 27 mai 2017 / www.operadeparis.fr/en/season-16-17/ballet/robbins-balanchine-cherkaoui-jalet
Photo © Laurent Philippe - Opéra national de Paris
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