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Tannhaüser à Bayreuth - Biogaz, capharnaüm et bronca - Compte-rendu
Il n’est pas sûr que ce Tannhäuser, nouvelle production du Festival de Bayreuth 2011, puisse satisfaire les tenants de l’orthodoxie wagnérienne, ou ceux qui, comme Baudelaire, voient dans cette musique « tout ce qu’il y a de plus caché dans le cœur de l’homme ». La nouvelle direction à deux têtes des filles de Wolfgang Wagner a choisi de trancher dans le vif. La mise en scène situe l’action dans une usine de biogaz, laissant apparaître des tubulures dignes du Centre Pompidou. Dans des cuves aux couleurs criardes se fabriquent nourriture et alcool à partir d’excréments humains.
Au sein d’un décor unique à trois niveaux du plasticien néerlandais Joep van Lieshout, s’agite une multitude d’ouvriers et de techniciens alimentant sans répit la fabrique sensée représenter la Wartburg (lieu du concours de chant à l’acte II, mais aussi métaphore du pouvoir et de la hiérarchie sociale). Ces esclaves continuent de s’agiter pendant les deux entractes tandis que le public évacue la salle.
Le Venusberg de l’acte I, siège des puissances dionysiaques, va et vient depuis le dessous de scène sous la forme d’une cage où se débattent des êtres mi-hommes, mi-singes simulant l’acte sexuel, ou encore des créatures rampantes et visqueuses d’un autre âge … Ce capharnaüm s’accompagne de vidéos à la symbolique impénétrable (des coupes de cellules en mouvement) et de slogans projetés tel « Wir sind krank » (« Nous sommes malades »). Cette mise en scène dense, touffue, confuse de l’allemand Sebastian Baumgarten est accueillie in fine par une bronca.
Sur le plan musical, la direction de Thomas Hengelbrock se montre plus sage, évitant le pathos et la surenchère. L’ouverture jouée rideau levé avec des spectateurs de part et d’autre du plateau manque pourtant d’élan et de passion. Equilibrée, disciplinée, sa conception d’ensemble attachée à la cohésion des timbres rappelle le chef baroque qu’il est, mais les instants dramatiques souffrent quelque peu d’un tel traitement. La distribution n’est pas mémorable : seuls Günther Groissböck en Landgrave de Thuringe, voix puissante et impressionnante, ainsi que le sensible Michael Nagy en Wolfram (malgré une « Romance à l’étoile » à l’acte III décevante) se détachent du lot. L’Elisabeth de Camilla Nylund ne démérite pas mais ne parvient pas à incarner une héroïne ardente, plus à son aise dans l’intimité et la ferveur que dans les éclats passionnés.
Fatigué, de timbre court, le Tannhäuser du ténor suédois Lars Cleveman tient la distance sans pour autant faire preuve d’une palette vocale large et colorée. Mieux vaut passer sous silence les insuffisances flagrantes de la Vénus de la soprano américaine Stephanie Friede, déformée par un costume peu seyant et projetant péniblement ses aigus stridents. Mention spéciale au jeune pâtre de Katja Stuber, d’une belle tenue de chant et à l’excellence des légendaires Chœurs de Bayreuth préparés par Eberhard Friedrich.
Quant à Lohengrin et Parsifal, programmés les étés passés et déjà chroniqués, ils appellent, somme toute, peu de nouveaux commentaires. Il faut pourtant noter dans le rôle titre de Lohengrin la fière allure du ténor allemand Klaus Florian Vogt qui en fait même oublier Jonas Kaufman (pourtant exceptionnel en 2010). Sa présence scénique, son aisance naturelle, son art de distiller des sons filés, le classent parmi les chanteurs romantiques de premier plan. Le duo de rêve avec l’Elsa d’Annette Dasch participe désormais de la légende de Bayreuth. Ovation du public debout à l’issue de la représentation.
D’autre part, l’interprétation rayonnante de Simon O’Neill, qui parvient à transfigurer le rôle-titre de Parsifal, emporte aussi l’adhésion par son émotion juvénile, sa justesse de ton et de style.
On attend avec curiosité en 2012 la nouvelle production du Vaisseau Fantôme sous la direction de Christian Thielemann, et en 2013 celle de la Tétralogie pour le bicentenaire de la naissance de Wagner. Reste à confirmer le nom du metteur en scène (Frank Castorf, directeur de la Volksbühne de Berlin, a été pressenti) et celui du chef d’orchestre (qui pourrait être, aux dernières nouvelles, Kirill Petrenko).
Michel Le Naour
Wagner : Tannhaüser - Festival de Bayreuth, Festspielhaus, 19 août 2011
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Photo : Bayreuther Festspiele / Enrico Nawrath
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