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Thierry Escaich au Festival Présences - Un festival de musiques intemporelles
Cette 28e du festival de création musicale de Radio France, du 6 au 11 février) est sans doute la plus ramassée de son histoire. Ce n’est en revanche pas la moins riche. En tête d’affiche : Thierry Escaich (né en 1965). Comme il en a pris depuis longtemps l’habitude, Présences brosse donc cette année encore le portrait d’un compositeur, qui rejoint ainsi Ligeti, Kagel, Berio, Xenakis, Henze mais aussi Pascal Dusapin, Philippe Hersant, Esa-Pekka Salonen ou encore Kaija Saariaho au nombre des musiciens honorés.
Thierry Escaich © Claire Delamarche
Du compositeur de Claude, opéra créé il y a cinq ans sur un livret de Robert Badinter, on attend notamment deux créations : Cris, en ouverture, sur un texte de Laurent Gaudé, dont l’écrivain sera le propre récitant, et La Piste des chants, en clôture, sur des chants amérindiens, par la Maîtrise et l’Orchestre philharmonique de Radio France dirigés par Mikko Franck. Guère de concerts, parmi les dix-neuf programmés, d’où la musique de Thierry Escaich sera absente (aucun, en fait, puisque l’invité de cette édition a composé le « sonal » qui y accueillera le public) mais cependant une vraie diversité :« Je ne voulais pas venir accompagné d’un cortège de compositeurs dont je serais proche, même si seront bien sûr présents des musiciens qui partagent certaines de mes orientations esthétiques : ma musique s’affiche modale et le restera sans doute. Mais je souhaitais vraiment une programmation ouverte, tout simplement parce que je suis curieux de musiques diverses, même lorsqu’elles sont éloignées de celle que j’écris. Baudelaire disait de la musique qu’elle est à la fois immuable et fugitive et transitoire ; je crois que c’est dans cet équilibre que se joue la musique d’aujourd’hui, en une synthèse active et vivante. ».
De fait, cette semaine de Présences révèlera quelques intéressants contrastes, de Karol Beffa (création du quintette avec piano Talisman) à Laurent Cuniot (création du concerto pour hautbois L’Ange double par Olivier Doise et l’Orchestre philharmonique de Radio France) et de Philippe Leroux (reprise du génial TotalSOLo par l’Ensemble intercontemporain) à John Zorn (pour un « office nocturne » sur le grand orgue de l’Auditorium de la Maison de la Radio).
Jean-Frédéric Neuburger © Carole Bellaiche
Le compositeur en action
« L’un des aspects qui me plaît dans ce portrait que m’offre Radio France, c’est le fil rouge autour des interprètes-compositeurs, souligne Thierry Escaich, qui sera aux claviers de l’orgue de l’Auditorium lors de trois concerts. Il y a eu au XXe siècle une séparation entre l’interprète et le compositeur, et je crois que c’est une bonne chose d’en sortir un peu. Être un compositeur en action, sur scène a toujours été important pour moi et, cette année, de nombreux compositeurs-interprètes seront à l’affiche de Présences : le pianiste Jean-Frédéric Neuburger, le bassoniste Lionel Bord, l’organiste Benoît Mernier, le percussionniste Martin Grubinger... ». Deux compositeurs seront ainsi sur le plateau, dans leurs propres œuvres, pour un concert (le 9 février, sous la direction de Jonathan Stockhammer) aux forts accents coloristes. Thierry Escaich y interprètera La Barque solaire, une œuvre de 2008 où il s’empare des « couleurs de Messiaen » puis Jean-Frédéric Neuburger créera son propre Concerto. Le jeune pianiste, qui fut l’élève de Thierry Escaich (en classe d’improvisation) au Conservatoire de Paris, rend hommage à la pièce de son aîné, « qui intrique l’orgue et l’orchestre ». « Mon concerto fait de même avec le piano, ajoute-t-il. Ce n’est pas un anti-concerto, mais un vrai concerto dans lequel le piano vient s’imbriquer dans les couleurs de l’orchestre ».
Roger Muraro © Michiraru Okubo
Faire passer l’énergie dans la musique
Comme Thierry Escaich, Jean-Frédéric Neuburger revendique l’héritage d’Olivier Messiaen (1908-1992), dont Chronochromie – une « pièce maîtresse » – est également au programme de ce concert. Une figure tutélaire dont Roger Muraro parle mieux que personne. Le pianiste donnera pour la première fois en France une pièce reconstituée, Fauvettes de l’Hérault, du compositeur-ornithologue. (1) Une véritable aventure que cette œuvre, ébauche d’un concerto laissé inachevé par Messiaen et dont, modestement, après trois ans à parcourir les manuscrits, Roger Muraro se fait le passeur : « mon travail consiste simplement à présenter ce que Messiaen laissé, à faire entendre sa musique au plus près de sa vérité ». Dans son récital (le 7 février), Roger Muraro fera cohabiter les musiciens d’aujourd’hui (François Meïmoun, Thierry Escaich) et les maîtres d’hier (Messiaen mais aussi Debussy et Dutilleux) ; ce qui lui fait dire que Présences n’est pas un festival de musique contemporaine mais bien un « festival des musiques intemporelles ». Thierry Escaich ne le contredira pas, lui qui souhaite avant tout, au cours de cette édition, « faire passer de l’énergie dans la musique, car elle transcende les héritages classiques et les apports des courants populaires ; c’est cette énergie qui permettra de toucher un public beaucoup plus large ».
Jean-Guillaume Lebrun
Propos recueillis le 15 janvier 2018 à la Maison de la Radio
(1) CR de la création mondiale des Fauvettes de l'Hérault à Tokyo : www.concertclassic.com/article/roger-muraro-donne-un-inedit-pour-piano-dolivier-messiaen-tokyo-somptueuse-creation-compte
Festival Présences 2018. Maison de la Radio, du 6 au 11 février 2018 / www.maisondelaradio.fr/agenda?type=4102
Photo Thierry Escaich © Guy Vivien
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