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Toulouse - Compte-rendu : Une hirondelle qui ne fait pas le printemps. La Rondine de Puccini
« La Rondine » (l’hirondelle en français) est une œuvre trop rare à la scène, que les commentateurs voient d’un œil peu indulgent : dans son éclatant Mille et un opéras publié en 2003 aux Editions Fayard, Piotr Kaminski la qualifie en substance de « partition garantissant une agréable soirée, en aucun cas d’un chef d’œuvre négligé ». Chef d’œuvre ? A sa manière oui, lorsque Puccini consent à écrire cette opérette sur le moule viennois – mais sans dialogues parlés spécifie-t-il à son librettiste Giuseppe Adami – il s’écarte de son projet de grand opéra et se retourne avec nostalgie vers ses premiers succès.
Nul doute que l’Acte II soit une extension du second de La Bohème, et son miroir magique, avec ses ensembles poivrés et son agitation incessante. Mais l’Acte I n’est-il pas le point le plus abouti de la discussion en musique que Puccini poursuivi sa vie durant ? Il va ici encore plus loin que dans La Fanciulla del West, sans porter le projet jusqu’à l’usage rhétorique qu’en fera Richard Strauss dans Capriccio, vingt cinq ans plus tard.
Nicolas Joël aime particulièrement cette « Commedia lirica », qui lui avait inspiré voici dix ans une première mise en scène pour la Scala de Milan, dans les beaux décors d’Emilio Carcano et de Roberta Puddu. Il avait alors trouvé un aide précieux en Gianandrea Gavazenni, tellement chez lui dans cette partition qu’il connaissait sur le bout des doigts et dont il fut l’un des rares à pénétrer l’esprit doux amer. Le retour de sa seconde production, montée à Covent Garden en 2002, dans les décors art déco d’Ezio Frigerio (mais pourquoi une boule à facettes chez Bullier ?), est une heureuse surprise, d’autant que la Châtelet la présentera au public parisien en juillet prochain.
La direction d’acteur est vive, plaisante, sans détours, les costumes tombent à pic avec les danses contemporaines du vivant de l’auteur, que Puccini utilise plus souvent que la valse : La Rondine évolue sur des One-Step, Boston, Fox Trot qui lui donnent une carrure résolument désinvolte. Si Nicolas Joël a eu la main heureuse avec le jeune Marco Armiliato, qui dirige allegro et sans partition une œuvre volontiers délicate à mettre en place, il n’a pas connu le même bonheur avec sa Magda. Pourquoi la délicieuse Inva Mula s’est-elle mise en tête d’incarner un personnage pathétique, alors que Magda est une cocotte qui s’illusionne d’amour pour mieux revenir dans le giron protecteur de Rombaldo (l’impeccable Alberto Rinaldi) ? Si la voix est toujours aussi égale, l’émission se durcit dans l’aigu, inutilement car l’orchestre ne la couvre jamais et au Capitole tout porte.
Son Ruggero, le très flegmatique Giuseppe Cipali, semble à peine croire à cette flamme qui devrait le transporter. Comme souvent, c’est Lisette, la pétulante Annamaria dell’Oste, et Prunier, le joli tenor di grazia roumain Marius Brencius qui emportent la mise, entourés par une compagnie de chant distribuée avec goût (il faudrait tous les citer). Le troisième acte, devant la superbe verrière à glycines imaginée par Frigerio, ne trouve son caractère doux amer que dans sa péroraison, où l’Angélus, sortit tout droit de Suor Angelica, est presque trop assourdi. Mais malgré le contresens dramatique commis par Mula, la production magnifie une partition rare qui pourtant sait se faire aimer facilement, à l’image de son héroïne.
Jean-Charles Hoffelé
La Rondine de Giacomo Puccini, Théâtre du Capitole, Toulouse, le 6 mars, et les 8, 11 et 13 mars 2005.
Photo: DR
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