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Toulouse-Lautrec, reprise du ballet de Kader Belarbi au théâtre des Champs-Élysées (13, 14 & 15 avril) – L’art double-face
Voici un danseur, Kader Belarbi, qui s’intéresse à la peinture, et un peintre, Toulouse-Lautrec, qui a aimé et croqué passionnément la danse, soit un mélange savoureux et inhabituel, sauf dans le cas de Degas. L’immobilité du mouvement lorsqu’il veut évoquer des tableaux, la mobilité de la toile figée, telle est l’aventure de ce ballet hors normes créé en 2021 par le Ballet du Capitole et que propose aujourd’hui la série TranscenDanses des productions Sarfati. Une œuvre d’une extrême ductilité, car ses tableaux s’y enchaînent non dans le sens d’une biographie, mais portés par un axe de sensibilité douloureuse autour duquel tournent des figures emblématiques du cabaret de l’époque de Toulouse-Lautrec, et son drame personnel, ressenti plutôt que tracé.
© David Herrero
Scènes extraordinaires de virtuosité, de gaieté folle et un peu désespérée, nuits d’ivresse éclairées par les ébouriffants costumes d’Olivier Bériot, bref un tourbillon de cotillons, de performances contrastant avec l’infirmité du créateur. Et qui prend aujourd’hui un relief sulfureux car Belarbi, depuis février 2023, n’est plus directeur de ce Ballet du Capitole qu’il a porté, depuis 2012, à un degré d’excellence salué unanimement, par la qualité de ses créations et la force de son engagement. Très brusquement évincé en raison de plaintes diverses, dont celle, si courante à ce jour, de harcèlement – mais le ballet classique n’est pas un art léger, même s’il y prétend parfois – Kader Belarbi, aux engagements vigoureux, certes, se voit donc mis à la porte et ne peut faire répéter les danseurs qui serviront son ballet sur la scène du TCE.
Il sera présent dans la salle, comme tout un chacun, mais éloigné du plateau, et donc ne pourra y faire respecter l’authenticité de son œuvre. On espère que le chorégraphe, lui, viendra recueillir sur scène la juste moisson de son talent et de ses efforts. Et que ce Toulouse-Lautrec de la danse parviendra ensuite à enfanter d’autres chefs-d’œuvre, peut-être sans les chaussons, car ce poète du mouvement est aussi un surdoué du pinceau. Tout se rejoint. Affaire à suivre, et ballet à ne pas manquer…
Jacqueline Thuilleux
- Paris, Théâtre des Champs-Elysées, les 13, 14 et 15 avril 2023. www.productions-sarfati.fr & www.theatredeschampselysees.fr
- Lyon, Maison de la Danse, du 10 au 16 mai 2023. www.maisondeladanse.com
© David Herrero
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