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Une interview de Mathieu Romano, fondateur et chef de l’Ensemble Aedes - «Donner au chœur la brillance, la puissance et l’émotion »
Depuis quand le chœur Aedes existe-t-il et qu’est-ce qui le singularise ?
Mathieu ROMANO : J’ai créé Aedes en 2005 et le chœur est devenu professionnel en 2008. C’est un ensemble généraliste qui aborde la musique savante de tous les siècles, depuis les œuvres baroques jusqu’aux créations contemporaines. Ce n’est pas simple, mais c’est très enrichissant.
Combien le chœur compte-t-il de choristes et comment les choisissez-vous ?
M.R. : Depuis trois ans, l’effectif du chœur s’est stabilisé autour des dix-sept mêmes choristes, qui forment la base, mais il peut comprendre jusqu’à quarante chanteurs. Dans le choix de mes choristes, je cherche d’abord un groupe aux personnalités très humaines, avec lequel je peux obtenir un son très harmonieux en travaillant sur la brillance et la rondeur. Mon utopie de chef de chœur est de donner à Aedes la brillance des chœurs nordiques et la puissance des chœurs britanniques tout en valorisant la transmission du texte et de l’émotion. Au cœur de cette démarche se trouve « Ludus Verbalis », quatre disques sur la musique des XXe et XXIe siècles (2) ; une belle tétralogie consacrée à ce répertoire, que je considère comme le plus difficile.
Quelle est l’œuvre phare de votre grande tournée annuelle en 2018 et quel est le style de votre interprétation ?
M.R. : C’est le Requiem de Fauré, dans sa version originale sans violon, avec orchestre de chambre et sur instruments d’époque – les musiciens de l’orchestre Les Siècles sont à nos côtés. Le chœur réunit 36 choristes. Nous cherchons à traduire la douceur et l’humanité simple de cette partition en restituant une émotion très brute. Les solos de soprano et de basse sont assurés par Roxane Chalard et Mathieu Dubroca, deux membres du chœur. Tous les choristes d’Aedes pratiquent le chant soliste dans leur vie professionnelle en dehors d’Aedes et je mets toujour mes choristes en avant quand c’est possible. J’aime beaucoup les voix et je veux qu’elles chantent pour de vrai. Je trouve intéressant que le chœur ait parfois des voix vibrantes et parfois détimbrées. En fonction du caractère de l’œuvre, je décide du type de voix que je souhaite et puis je m’efforce de freiner mon envie d’homogénéité pour concilier ces voix lyriques dans un autre type d’harmonie.
Donnez-vous d’autres œuvres avec le Requiem et prévoyez-vous des concerts consacrés à d’autres compositeurs ?
M.R. : Nous complétons le Requiem de Fauré avec les Trois Chansons de Claude Debussy, dans leur version originale de 1898, dont nous avons trouvé le manuscrit à la Bibliothèque nationale de France. Dans cette version, peu donnée en France, « Dieu, qu’il la fait bon regarder » est particulièrement mélancolique. Anaïs Bertrand assurera le solo. Nous chanterons aussi Figure Humaine de Francis Poulenc, pour double chœur a capella. Nos autres concerts seront consacrés aux Liebeslieder de Brahms ou à des p!èces de Poulenc, Debussy, Bernstein, Casals et Victoria. En juin, le chœur interviendra aussi dans la Cenerentola, de Rossini, à l’occasion d’une en version de concert au Théâtre des Champs Elysées. A l’automne, nous donnerons Lux Eterna de Gyorgy Ligeti, puis à nouveau les Liebeslieder Brahms, à Paris (Collège des Bernardins). Pour 2019, Les Noces de Stravinski sont en préparation, en prévision d’un ballet à l’Opéra Garnier.
Depuis ses débuts, Aedes mène des actions culturelles pour promouvoir la musique chorale. Celle-ci a-t-elle évolué en France ?
M.R. : Je trouve que le niveau choral français a beaucoup progressé. Du coup, le public est aussi plus averti et plus présent. Aedes travaille effectivement à transmettre la passion du chant choral aux enfants et aux adultes, en collaboration avec la Cité de la Voix de Vézelay et les théâtres d’Auxerre et de Compiègne. Nous organisons ainsi des stages de formation de six à huit mois pour les élèves de primaire et de collège, lesquels assurent régulièrement les premières parties de nos concerts dans ces villes. Mes chanteurs aiment aussi travailler avec des choristes amateurs et je donne des masterclasses de direction de chœur pour les chefs amateurs. Nous réalisons chaque année 30 à 35 interventions culturelles en France comme à l’étranger, soit presque autant que de concerts. Ainsi, au Festival de Grenade (3), le 23 juin, Aedes donne un programme Poulenc, Casals, Victoria et une masterclass pour chefs de chœur.
Mais il subsiste une désaffection pour l’art choral dans les programmations et les organisateurs de concerts pourraient faire mieux. C’est pourquoi nous renouvelons parfois le concert choral en présentant des créations contemporaines spatialisées. Nous avons ainsi réalisé dernièrement « Léon et Léonie » une sorte d’ « opéra pour chœur » sur des arrangements de chansons de Jacques Brel et de Barbara. L’enregistrement est prêt et sortira à l’automne prochain.
Propos recueillis par Michel Grinand, le 22 mars 2018
www.concertclassic.com/article/atout-choeur-une-interview-de-mathieu-romano-chef-de-lensemble-vocal-aedes
(2) Pour le label #NoMadMusic
(3) Festival de Grenade : granadafestival.org // Lire l’interview de son directeur, Pablo Heras Casado : http://www.concertclassic.com/article/une-interview-de-pablo-heras-casado-festival-de-grenade-pluralite-et-renouvellement
Prochains concerts de l’Ensemble Aedes :
24/05/2018 Festival de l’Epau / (Fauré, Debussy, Poulenc) /epau.sarthe.fr/lumieres-sacrees-festival-de-lepau
29/05/2018 Théâtre Impérial de Compiègne (Bernstein - Debussy – Poulenc) / www.theatre-imperial.com/aedes-chante-bernstein-58
16/06/2018 – Paris - Théâtre des Champs-Elysées / Rossini : La Cenerentola (version de concert, avec l’Ondif, dir. Enrique Mazzola) / www.theatrechampselysees.fr/saison/opera/opera-en-concert-et-oratorio/la-cenerentola
Agenda de l’Ensemble Aedes //www.ensemble-aedes.fr/page/agenda
Photo Mathieu Romano © William Beaucardet
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