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Werther de Massenet à l’Opéra Bastille - Le vrai visage de Werther ?

Une nouvelle production de Werther, venue de Covent Garden, s’invite à la Bastille : en choisissant la mise en scène de Benoît Jacquot, Nicolas Joel a voulu tourner le dos au propos assez Regietheater de la relecture proposée par Jürgen Rose et championnée par Gérard Mortier. Bataille de directeurs autour d’un des trésors du patrimoine national, mais pas seulement.

Werther, célébré ad nauseam par nos grands-parents, est un chef-d’œuvre fragile, Massenet y use d’une absolue palette de demi-teintes, s’aventure dangereusement sur la pente savonneuse de l’intrigue la plus romantique que se soit autorisé Goethe, laquelle initia une grande vague de revolverisations au sein de la jeunesse allemande, et joue avec quelques poncifs concernant la germanité. Terrain glissant, qu’évitent plus ou moins heureusement certaines régies, mais que peu osent regarder en face.

Sans préjuger du travail de Benoît Jacquot, on ira donc fort curieux à ce second nouveau Werther parisien en l’espace de deux saisons, et peut-être d’abord pour la simple musique : Michel Plasson dans la fosse, tout juste remis d’importants problèmes de santé, c’est la garantie d’une compréhension intime de l’œuvre, et pour le plateau quelle voix, sombre, sensuelle, hantée, pouvait mieux convenir à Werther que celle de Jonas Kaufmann, dont le physique avantageux colle parfaitement au ténébreux amoureux romantique ? Et après Susan Graham, Charlotte inoubliable de la précédente production, qui mieux que Sophie Koch, devenue depuis une incandescente Brangaene pour Covent Garden, pourrait dire l’air de la lettre ? Alain Vernhes retrouve le Bailli, Anne-Catherine Gillet promet enfin une vraie Sophie française, et le Johann de Christian Tréguier pleurera son compère Schmidt, ce cher Christian Jean, que la mort a ravi lors d’une promenade bucolique.

Gageons que le public de l’Opéra aura une pensée émue pour cet admirable ténor de caractère, pur produit du chant hexagonal, avec dans le timbre quelque chose du grain d’un Hugues Cuénod.

Jean-Charles Hoffelé

Massenet : Werther, Paris - Opéra Bastille, les 14, 17, 20, 23, 26, 29 janvier et les 1er et 4 février 2009

Programme détaillé de l’Opéra Bastille et réservations

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Photo : Opéra de Paris
 

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