Journal
Wilhem Latchoumia joue Villa-Lobos (à Paris et Metz) – Des couleurs et du souffle
![© Lyodoh Kaneko](https://www.concertclassic.com/sites/default/files/styles/asset_picture_default_400x250/public/latchoumia_400.jpg?itok=vwy9DS5l)
Les sorties d’enregistrements consacrés à Heitor Villa-Lobos (1887-1959) sont trop rares dans la production discographique française pour que l’on ne salue pas les deux références qui nous parviennent cet automne. A l’orchestre (pour le label Alpha), Simone Menezes signe une splendide version de la suite tirée des Forêts d’Amazonie (partition originellement destinée au film Green Mansions de Mel Ferrer), à la tête du Philharmonia Zürich et avec la complicité de la soprano Camila Provenzale. (1) On reviendra en tout début d’année prochaine sur cette parution, à l’occasion de la venue de la jeune cheffe italo-brésilienne à la Cité de la musique les 27 et 28 janvier pour un programme « Pelléas etc. » avec l’Orchestre de chambre de Paris.
![](https://www.concertclassic.com/sites/default/files/latchoumia_cover.jpg)
Un portrait de l’Indien blanc
Pour l’heure, c’est au piano que l’on s’intéresse et au formidable récital que Wilhem Latchoumia consacre au compositeur brésilien (chez la Dolce Volta)(2). Entre le Chôros n° 5 « Alma brasileira » en ouverture de programme – une pièce de 1925 qui témoigne de la prise de conscience nationale du musicien durant son si profitable séjour à Paris (de 1923 à 1930) – et le Rudepoêma (1921-1926, dédié à Arthur Rubinstein, qui le créa à Gaveau en 1927) en conclusion, l’interprète aurait pu se contenter de placer des ouvrages relativement connus (relativement ...), le Cycle brésilien (3) et la Bachianas brasileiras n° 4 en particulier. Il a préféré une démarche bien plus originale consistant à piocher en particulier dans les Cirandas (15 pièces au total dont il retient les nos 2, 3, 4, 5, 6, 8, 10, 12, 13 & 15), recueil où, nourri de thèmes de chansons enfantines, l’art du clavier de Villa-Lobos trouve l’une de ses plus belles expressions, servi ici par un jeu qui trouve toujours le coloris et le caractère.
![© DR](https://www.concertclassic.com/sites/default/files/heitor_vila-lobos_c._1922_.jpg)
Villa-Lobos en 1922 © DR
A ces petits joyaux, s’ajoutent – non moins séduisants – la version pianistique (du compositeur) du Chôros n° 2 (de 1924, originellement pour flûte et clarinette), l’étude Ondulando, La caixinha de música quebrada, Nenê vai dormir (n° 2 de la Suite infantil n° 1) et – pièce expérimentale de 1939 – New York Skyline Melody, dans laquelle Villa-Lobos s’est servi du « profil » de la ville de New York, autant de morceaux qui dessinent un portrait fidèle et attachant de l’ « Indien blanc » (ainsi se définissait le compositeur) et que l’on savoure avant que Latchoumia ne s’élance dans le Rudepoêma – titre dont la traduction « Poème sauvage » traduit bien l’esprit.
![](https://www.concertclassic.com/sites/default/files/latchoumia_gf.jpg)
Un pianiste à la mesure d'une partition hors normes © Lyodoh Kaneko
Souffle symphonique
Il s’agit de la partition la plus vaste (une vingtaine de minutes) jamais écrite pour le piano par Villa-Lobos, pièce splendide – à ranger parmi les chefs-d'œuvre pianistiques de l'époque – mais que son effroyable difficulté technique interdit à bien des interprètes. Elle n’est pas pour effrayer Latchoumia, qui l’aborde avec le souffle symphonique et la densité sonore que son âpre liberté d’inspiration requiert. Un créateur audacieux, rétif à tout « système », viscéralement attaché à sa terre natale, « terre immense, ardente et généreuse » disait-il : Villa-Lobos a certes voulu « assimiler l’âme » de son ami Rubinstein dans le Rudepoêma, mais il s’y est mis tout entier aussi. Supérieurement dominée par un pianiste d’une inépuisable imagination sonore, cette partition coup-de-poing referme de saisissante façon l’une des plus belles anthologies lobosiennes qui se puisse trouver. Découvrez-la sans attendre ; l'art du maître brésilien ne se limite pas, loin de là, à la sempiternelle Bachianas n° 5.
Un programme que Wilhem Latchoumia reprendra en large partie (en compagnie de pièces de Falla et Mompou) en récital, le 11 novembre à Paris, au Studio de la Philharmonie et le 14 à Metz à l’Arsenal. A ne surtout pas manquer !
Alain Cochard
![](https://www.concertclassic.com/sites/default/files/logoccbreves_5.png)
(1) "Amazônia" 1CD Alpha Classics 990
(2) "Do Brasil" 1 CD La Dolce Volta LDV 119
(3) Ouvrage déjà enregistré, superbement, par W. Latchoumia en 2008, en compagnie de pages de Gustavino et Ginastera, dans un récital intitulé « Impressões » (RCA)
Wilhem Latchoumia, piano
Œuvres de Villa-Lobos, Falla & Mompou
11 novembre 2023 – 18h
Philharmonie de Paris – Studio
philharmoniedeparis.fr/fr/activite/recital-piano/26392-wilhem-latchoumia
14 novembre 2023 – 20h
Arsenal de Metz
www.citemusicale-metz.fr/fr/programmation/saison-23-24/concert/wilhem-latchoumia
Photo © Lyodoh Kaneko
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