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« Claude es-tu là ? » à la Bellevilloise – Portrait (fidèle) de Debussy en forme de séance de spiritisme – Compte-rendu
Que les allergiques à la formule du concert avec récitant – montant en chaire pour ...« réciter » – se rassurent : rien d’amidonné ni de pédant dans ce que l’on découvre à la Bellevilloise. A cadre inattendu pour de la musique « classique », proposition inattendue : les artistes se sont souvenu de quelques expériences de tables tournantes rapportées par Debussy durant ses années de jeunesse pour imaginer avec « Claude es-tu là ? » un portrait du compositeur en forme de séance de spiritisme.
Portrait fidèle, formidablement mené par Pascal Rénéric (l’inoubliable Monsieur Jourdain du Bourgeois gentilhomme de Denis Podalydès), où de brèves citations tirées de la correspondance du musicien et des critiques de Monsieur Croche se mêlent à quelques poèmes de Mallarmé et, surtout, à la musique, toujours centrale, jamais noyée sous de trop grands aplats de texte. « Claude es-tu là ? » : les bougies sont allumées, le comédien et les deux musiciens prennent place autour d’une table en début de spectacle ... et Claude répond présent (comme l’on aurait pu s’en douter !) d’une façon poétique, drôle aussi, avec des trouvailles parfois franchement comiques - on découvre un « debuscope » (ultra-sensible !) en action ... Portrait par petites touches d’un créateur libre, infiniment libre, ennemi des systèmes, qui vécut à l’écoute des bruits et de la respiration immense de la nature d’une manière unique dans l’histoire de la musique.
Pièces pour piano et mélodies prennent un relief particulier dans ce contexte. Josep-Ramon Olivé offre deux des trois Ballades de Villon (à la requeste de sa mère, des Femmes de Paris) et d’autres mélodies (Auprès de cette grotte sombre, Chevaux de bois, Crois mon conseil chère Climène, Je tremble en voyant ton visage, Green) avec la complicité de Momo Kodama (qui joue un Yamaha d’une remarquable richesse) dont l’imagination sonore offre un contrepoint idéal à la voix riche et bien projetée du baryton catalan.
On ne goûte pas moins les pages pour piano solo (La terrasse des audiences du clair de lune, The Little Shepherd, Etude pour les huit doigts, Minstrels, L’Isle joyeuse, Serenade for the doll, The Snow is dancing), dans lesquelles l’interprète (1) ose des couleurs franches, à rebours de tout flou « impressionniste ». « Claude es-tu là ? » : en savourant Voiles, magique conclusion du spectacle, la réponse ne fait pas l’ombre d’un doute. La « musique est une mystérieuse mathématique » ... Le charme a opéré sur un public nombreux et promprement comblé.
L’année Debussy ne fait que commencer, mais on prend le pari qu’à l’heure des bilans, ce spectacle se classera parmi les meilleurs – et les plus originaux. Bientôt repris en Chine ( tournée du 25 mai au 3 juin), « Claude es-tu là ? » n’est pour l’instant prévu que pour une seule date en France cet été. (2) Avis aux organisateurs !
Alain Cochard
(2) reprise sous le titre "La Musique est partout", le 29 juillet à la Maison de Colette : www.maisondecolette.fr/evenement/ca-me-chante-4e-edition/
Paris, La Bellevilloise, 25 mars 2018
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