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La Chauve-Souris par l’Académie de l’Opéra de Paris à la MC93 - Dernières valses à Terezin – Compte-rendu
Aussi vrai du côté des musiciens, au nombre de sept (violon, alto, violoncelle, contrebasse, flûte, clarinette, piano) : dirigés par Fayçal Karoui, tous défendent avec passion et tendresse une version chambriste plus que convaincante (la chose n’étonne guère quand on sait qu’elle est signée Didier Puntos). La teinte instrumentale se fait du coup plus mate et mélancolique, qui rappelle les ambiances de cabaret de la première moitié du 20e siècle, en parfaite adéquation avec la lecture de Célie Pauthe (mise en scène).
© Elisabeth Carecchio
En préambule du spectacle, toutes lumières éteintes, la voix de cette dernière s’élève avec douceur et autorité. Et d’expliquer qu’elle a découvert que la Fledermaus avait été représentée à Terezin, où quelques-uns des meilleurs musiciens d’Europe étaient internés par les nazis.
La mise en scène s’inspire de fait ; les chanteurs vivent leur rôle comme si leur dernière heure approchait, au milieu du tourbillon straussien de quiproquos, de valses plus ou moins tristes, de sensualité et d’alcool. L’ébriété se veut ici salvatrice, la musique, la danse, l’amour inspirent un élan de résistance vertigineux. L’opérette, loin du traditionnel concert du nouvel an viennois, loin des froufrous vieille Europe devient pulsion de vie, tout simplement. L’ouverture accompagne des images actuelles (vidéos de François Weber) en noir et blanc de la forteresse fantomatique de Terezin, que chanteurs, musiciens, public, regardons avec un respect effaré : ces notes mordantes et joyeuses sonnent comme l’une des réponses possibles à ce paysage de désolation.
© Elisabeth Carecchio
Célie Pauthe ne tombe pas dans le piège du pathos ou de la condescendance, mais s’empare de la formidable énergie des jeunes chanteurs de l’Académie en hommage à l’urgence vitale de leurs aînés, de ce paradoxe d’apparat donné dans les murs d’un camp de concentration.
Toute la mise en scène tient à la performance d’acteur des chanteurs, le rythme trépidant de la comédie, réglée au millimètre. Scène sur la scène, faux décors de fortune, faux costumes de bric et de broc bariolés ; l’inventivité avec rien. Musiciens à jardin, pans de mur à l’arrière-scène, écrans de projection d’images très réelles de la mémoire.
Le spectacle bénéficie de chanteurs que l’on sera heureux de suivre et de retrouver dans de prochaines productions. Avec deux distributions en alternance, la relève est assurée. Timothée Varon campe un Eisenstein parfaitement ridicule et infiniment touchant, tandis qu’Adriana Gonzalez offre une Rosalinde aux accents moelleux d’une future Comtesse ou Maréchale. Jean-François Marras donne à Alfred une pointe de solaire accent corse … qui l’amènera même à faire une sortie de scène sur quelques notes empruntées à Verdi.
On a été particulièrement sensible à l’Adèle de Liubov Medvedeva – « Mein Herr Marquis… » aussi gracieux que piquant. Enfin, quelle classe Danylo Matviienko – Onéguine avec une pointe de Figaro – apporte-t-il à Falke !
Passons sur le tunnel malheureux du gardien de prison qui, surjouant l'ivresse, nous montre un film de propagande nazie… Passage délicat pour le comédien (Gilles Ostrowsky), un peu trop Gainsbarg pour être crédible. On retient l’essentiel : la force vitale et l’intense lumière d’une valse de Vienne, aussi belle et ténue que la vie. Carpe diem.
Gaëlle Le Dantec
Strauss : La Chauve-Souris – Bobigny, MC93, 16 mars, prochaines réprésentations les 19, 20, 22 et 23 mars // https://www.mc93.com/saison/la-chauve-souris
Puis en tournée à Besançon, Compiègne, Amiens, Grenoble (avril, mai).
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