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23ème Festival de Pâques de Deauville – L’art des rencontres – Compte-rendu
Directeur artistique du Festival de Pâques et de l’Août musical de Deauville, conseiller musical de la Fondation Singer Polignac, Yves Petit de Voize possède un flair peu commun pour repérer les talents nouveaux. De Nicholas Angelich et Renaud Capuçon jusqu’à Justin Taylor, en passant par Bertrand Chamayou, Jonas Vitaud, Victor Julien-Laferrière, Julien Chauvin, Adam Laloum, le Quatuor Hermès, Le Balcon de Maxime Pascal et tant d’autres, tout ce que la (les) nouvelle(s) génération(s) compte(nt) de meilleur depuis un quart de siècle n’a pas échappé à sa vigilante curiosité.
Grande vertu dans un pays où, comme le soulignait Cocteau, on préfère reconnaître que connaître ... S’y ajoute un art de susciter les rencontres entre les interprètes dans des répertoires qui sortent souvent des sentiers battus : le 23e Festival de Pâques n’aura pas dérogé à cette – salutaire ! – règle.
Yves Petit de Voize © Yannick Coupannec
Alors qu’il vient de se distinguer par un très beau disque Ligeti, Nielsen, Dvořák (1), le Quintette à vent Ouranos (dans une composition un peu modifiée pour ce concert deauvillais, la flûtiste Upama Muckensturm se substituant à Mathilde Calderini, le corniste Victor Haviez à Nicolas Ramez) était au rendez-vous, salle Elie de Brignac, pour un concert partagé avec Guillaume Vincent (photo).
Quintette Ouranos © Claude Doaré
Le vents seuls d’abord : on commence par Adieu (1966) de Stockhausen, pièce étrange dans laquelle les musiciens, dans l’obscurité, disposés en cercle autour de leurs pupitres numériques cultivent le mystère et l’infinitésimal. Flûte exceptée, ils s’associent ensuite au piano de Guillaume Vincent pour retrouver le Beethoven de jeunesse du Quintette en mi mineur op. 16. La qualité de l’écoute mutuelle, la beauté des timbres, tant ceux des vents que du clavier, concourent à une interprétation admirable de vitalité et de style.
Partition méconnue, la Kleine Kammermusik op. 24 n°2 pour quintette à vent (1922) de Hindemith montre le niveau exceptionnel des Ouranos. Les questions – redoutables en l’occurrence – de mise en place, de justesse étant pleinement réglées, les jeunes instrumentistes peuvent pleinement se concentrer sur les caractères des cinq sections qui forment l’ouvrage, fuyant l’aridité au profit d’une incessante recherche sonore et d’une conception foisonnante de poésie.
Un saut au-delà du Rhin, une décennie plus tard : le merveilleux Sextuor pour flûte, hautbois, clarinette, basson et cor (1932) de Poulenc conclut. Belle surprise que la prestation de Guillaume Vincent dans un répertoire qui n’est pas celui où on l’attendait a priori le plus : son jeu tout à la fois riche, dense et extrêmement mobile parvient à un parfait équilibre avec les souffleurs et l’interprétation, vraie fête des timbres, réserve des moments de profonde poésie – avec quel art la nuit tombe-t-elle sur les dernières mesures du Divertissement médian ...
Ambroisine Bré, Quatuor Hanson & Théo Fouchenneret © Claude Doaré
Après la rencontre des vents et du piano, la mezzo Ambroisine Bré côtoie le lendemain les archets du Quatuor Hanson (Anton Hanson, Julien Dussap, Gabrielle Lafait, Simon Dechambre), de Raphaël Pagnon (alto), Adrien Bellom (violoncelle), Simon Guidicelli (contrebasse) et le piano de Théo Fouchenneret dans un programme français.
Franco-belge plus exactement puisque l’Adagio pour orchestre à cordes de Lekeu (dans une belle adaptation pour septuor à cordes signée de jeune compositeur Julien Giraudet) ouvre la soirée de prégnante façon. On ne saurait mieux mettre l’oreille en condition pour savourer les Quelques danses op. 16 (1896) pour piano seul d’Ernest Chausson (1855-1899), réalisation étonnante – et pur chef-d’œuvre du répertoire français fin XIXe – que Théo Fouchenneret explore avec une sensibilité et une palette de couleurs idéales. Face à une aussi singulière composition, on mesure la perte pour l’histoire de la musique qu’a constitué la disparition prématurée du compositeur ...
Le Quatuor Hanson © Claude Doaré
L’intimisme demeure dans le Nocturne pour voix, quatuor et piano de Guillaume Lekeu (sur un poème de l’auteur) dont Ambroisine Bré distille « la chanson murmurante et douce » avec un art consommé. La mélodie française a beaucoup contribué à faire connaître le talent de la chanteuse française (elle a remporté, avec la pianiste Quiaochu Li, le Grand Prix de Duo du Concours Nadia et Lili Boulanger en octobre 2017 (2)). Son sens de ligne, sa simplicité et sa noblesse de ton s’expriment ensuite dans la Chanson perpétuelle de Chausson et les Chansons madécasses de Ravel dont les climats sont saisis avec une intelligence rare et une attention continue aux timbres instrumentaux.
Un « tube » absolu de la musique de chambre française pour conclure ? Oui mais, métamorphosé par les archets inspirés des Hanson, le Quatuor à cordes de Debussy sonne de façon incroyablement neuve. Approche fouillée, souterraine, bruissante de secrets : on la gardera longtemps en mémoire – et on espère que les micros du label B Records immortaliseront dans la collection « Deauville Live » l’interprétation d’un des meilleurs jeunes quatuors à cordes français d’aujourd’hui.
Rendez-vous cet été à Deauville pour le 18ème Août musical, du 27 juillet au 10 août.
Alain Cochard
(1) Un CD #NoMadMusic, « Disque de la Semaine » de Concertclassic il y a peu : www.concertclassic.com/article/lensemble-ouranos-joue-ligeti-nielsen-et-dvorak-1-cd-nomadmusic-les-magiciens-souffleurs
(2) www.concertclassic.com/article/finale-du-9eme-concours-de-chant-piano-nadia-et-lili-boulanger-confirmations-et-decouvertes
Deauville, Salle Elie de Brignac, 2 et 3 mai 2019//
18ème Août musical de Deauville : musiqueadeauville.com/
Photo © Claude Doaré
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