La France est gâtée en matière de quatuor à cordes avec une jeune génération riche de nombreuses formations de grand talent. Parmi celles-ci, le Quatuor Tchalik s’est fait remarquer en remportant le Premier Prix du Concours Mozart de Salzbourg en février 2018 et compte parmi les résidents de l’association ProQuartet – détail révélateur ... La musique se pratique en famille chez les Tchalik puisque quatre frères et sœurs, Gabriel (1er violon), Louise (2d violon), Sarah (alto) et Marc (violoncelle) tiennent les archets, tandis que Dania, pianiste et aîné de cette fratrie d’origine franco-russe, se joint souvent à eux. L’année de naissance du Quatuor Tchalik ? « Difficile compte tenu de ce contexte familial de répondre avec précision, avoue Gabriel Tchalik. Notre premier concert remonte à 2013, mais le vrai tournant s’est produit en 2016 avec l’entrée dans la classe de Günter Pichler (ancien premier violon du Quatuor Alban Berg ndr)  à Madrid."
 

Reynaldo Hahn (1875-1947) © DR

Les Tchalik ont en tout cas trouvé leur place dans le paysage musical, comme le prouve l’invitation à participer au week-end de lancement du Cycle Reynaldo Hahn au Palazzetto Bru Zane à Venise (le 21 sept) (1). Double invitation en fait de la part du Centre de Musique Romantique française car on retrouvera les Tchalik le 18 juin prochain, à l’Auditorium du Louvre, dans le cadre du 8^e Festival Palazzetto Bru Zane à Paris (2). Dans un cas comme dans l’autre, le bel et rare Quintette avec piano en fa dièse mineur constitue le morceau de résistance du programme. Une œuvre très chère au cœur des interprètes : « C’est avec elle que nous avons donné notre premier concert à cinq en 2013, se souvient G. Tchalik ; une musique qui rappelle un peu le dernier Fauré, une partition tout à la fois énergique et méditative ».

Dania Tchalik © DR

A Venise, le Quintette figurera au sein d’un programme tout Hahn, entouré du 2^e Quatuor et de la Romance pour violon et piano. Il ne restera plus aux musiciens qu’à ajouter le 1er Quatuor au moment où ils prendront le chemin du studio, en décembre, pour confier aux micros un disque Reynaldo Hahn très complet – une preuve supplémentaire de la place que l’auteur de Ciboulette retrouve enfin ! La parution est prévue pour la fin du printemps 2020 sur le label que les Tchalik viennent de lancer : Alkonost.

Et les choses commencent en beauté pour celui-ci avec la sortie (officielle le 20 sept.) d’un magnifique disque Thierry Escaich qui rassemble La Ronde pour quintette avec piano, les deux quatuors Scènes de bal et Après l’aurore, Nun komm... pour violon solo et Short Stories pour violon et piano.(3) Une longue complicité unit Escaich aux Tchalik ; elle s’est nouée par le biais de Dania, élève du compositeur dans sa classe de Fugue au CNSMD de Paris à la fin des années 90. Les liens se sont par la suite tissés avec les autres membres de la fratrie, tel Gabriel qui, en 2009, a joué la pièce Nun komm... devant son auteur.
 

La réussite du disque se comprend mieux quand ont sait les conditions dans lesquelles il a été préparé, avant l’enregistrement à la Seine Musicale en janvier dernier. « Nous avons effectué une résidence de plusieurs jours, en compagnie de Thierry Escaich, présent d’un bout à l’autre, dans le cadre idéal de la basilique romane de Neuvy-Saint-Sépulchre, dans le Berry, précise G. Tchalik.» Une occasion unique pour les instrumentistes d’approfondir des œuvres qu’ils ont depuis longtemps à leur répertoire, tel le quatuor Après l’aurore. Un ouvrage de 2005, d’une redoutable difficulté, mais auquel ils sont très attachés. « Nous l’avions inscrit au programme de notre finale au Concours Mozart de Salzbourg, rappelle G. Tchalik ; ça nous a porté chance ! »
 

Thierry Escaich © William Beaucardet

Reste que l’un des atouts principaux de la résidence aura été pour Gabriel et Dania Tchalik de s’approprier dans les meilleures conditions Short Stories –  un hommage du compositeur au cinéma muet, à l’origine de tant de mémorables improvisations de sa part – dont l’encre était à peine sèche au moment du rendez-vous à Neuvy . « Nous aimons le côté très spontané de la musique de Thierry Escaich, qui vient peut-être de son côté improvisateur, confie G. Tchalik ; un geste direct, une tension – pas un temps mort dans sa musique ! – et un caractère très narratif qui correspond à notre tempérament. »
Dédicataire de Short Stories, Gabriel et Dania Tchalik signent en tout cas une première discographique d’une intensité et d’une force suggestive pour le moins irrésistibles, à la l’image de l’ensemble de l’album.

Après le rendez-vous vénitien du 21 septembre, on retrouvera les Tchalik, en quatuor, à l’Abbaye d’Hautecombe, non loin d’Annecy, le 29, dans un programme Mendelssohn et Saint-Saëns – on leur sait gré de défendre le Quatuor n° 1 du Français, chef-d’œuvre absolu, hélas trop rare dans les concerts ... Suivront, à Paris, le Musée Gustave Moreau, le 1er octobre, pour Saint-Saëns, Escaich et Hahn, le Musée de l’Orangerie, le 5 octobre – ou plus exactement le 6, à 4h du matin (!), dans le cadre de la Nuit du Quatuor – avec les Cinq Pièces de Jacques Boisgallais (né en 1927) et la Grande Fugue de Beethoven. Cette œuvre rappelle que le dernier Beethoven occupe beaucoup les Tchalik depuis un moment : après l’Opus 127 en 2018 et l’Opus 132 cette année, ils vont souvent se confronter à l’Opus 130 et à la Grande Fugue dans les mois à venir.

Quant au concert officiel de lancement de l’album "Short Stories", il se tiendra le 14 octobre à l’Association France-Amériques.

Alain Cochard