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Martha Argerich, Sir Antonio Pappano et l’Orchestra dell’Accademia Nazionale di Santa Cecilia – Feux et tonnerres – Compte-rendu
De Pappano, on sait l’énergie, la générosité et la magnifique galerie d’opéras conduits à la Monnaie de Bruxelles puis au Covent Garden de Londres dont il est directeur musical depuis 2002, sans parler de passages parfois historiques dans les grandes institutions du monde. Grâce à lui, l’opéra verdien, souvent mal servi ces dernières années, a pu retrouver son ton juste, perdu depuis la mort des géants. Cette fois on l’a vu aux prises avec la musique allemande, et dès le lever de baguette sur l’ouverture d’Euryanthe de Weber, on a bien cru que le blockhaus philharmonique de la Porte de Pantin allait trembler sur ses bases : une violence d’attaque incroyable, jamais adoucie ou presque, et le besoin de pratiquer une sorte de rentre-dedans, comme pour démontrer les capacités de chaque pupitre. Une option qui eut certainement été justifiée dans une fosse d’orchestre, avant un opéra, pour annoncer et porter l’histoire, mais sonnait un peu exagérée en prélude à un concert.
Dans la Deuxième Symphonie de Schumann, même déchaînement sonore et dynamique, l’orchestre emporté dans une galopade digne de l’ouverture de Guillaume Tell, et qui laissait un peu loin derrière la subtilité de la musique de Schumann, le plus torturé des compositeurs, et la délicatesse qu’il a glissée dans ses élans les plus violents: heureusement, le troisième mouvement, moment ineffable de nostalgie poignante, a été mené avec la finesse et la douceur requise, car malgré les robustes fureurs du maestro, il faut bien admettre que la fusion entre lui et ses musiciens est absolue.
Tel était le tonnerre. Pour les feux, vint la diva, Martha Argerich, se frayant un chemin entre les pupitres d’un pas hésitant, mais centauresse dès qu’elle se soudait à son cher clavier : et quelle plus belle exaltation possible, dans ce spectaculaire concert, que celle du Premier Concerto de Liszt, avec ses quatre mouvements enchaînés, et dont Berlioz dirigea la création de la version définitive en 1855, au château de Weimar, avec Liszt soi-même au piano – là aussi, l’ennui ne dut pas guetter. La diva y fut comme l’accoutumée, foudroyante, étincelante, doigts de cristal, mais avec toujours cette rigueur dans l’absence de maniérisme qui donne leur poids à ses prouesses. Possédée, sa main pianotant frénétiquement sur sa jambe lorsqu’elle n’était pas en lice, et encadrée par un Pappano d’une impeccable réactivité. Public tenu en haleine, interprètes hors d’haleine : tous deux, se sont tout de même calmés dans leurs bis respectifs ; douce Scène d’enfant de Schumann pour la pianiste, paisible promenade respighienne pour le chef et l’orchestre. La fièvre est retombée, mais pas l’enthousiasme.
Jacqueline Thuilleux
Photo © PC Muscchio et Ianiello licensed to EMI Classics
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