Syndicat professionnel, Les Forces Musicales regroupent 43 orchestres, maisons d’opéra et festivals d’art lyrique. Face à la crise du Covid-19, et à l’abaissement de la jauge à 1000 personnes, l’organisation a publié un communiqué mercredi 11 mars, qui met l’accent sur les conséquences de la crise pour le monde de la musique classique. Concertclassic s’est entretenu avec Loïc Lachenal (photo), président des Forces Musicales. Celui qui est par ailleurs directeur de l’Opéra de Rouen n’hésite pas à parler d’un « sentiment de panique générale » face à la situation.
 
« Nous ne pouvons pas pour l’instant établir de bilan très précis, d’une part parce qu’il a fallu faire face à l’annonce de l’interdiction des rassemblements de plus de 1000 personnes et toutes les équipes ont été très mobilisées sur le terrain pour savoir ce qu’elle représentait en pratique ; nous y voyons un peu plus clair maintenant seulement. L’arrêté qui été pris lundi matin fixe une limite à 1000 personnes, mais les autorités de l’Etat peuvent être amenées à prendre des décisions exceptionnelles en fonction des réalités locales – les préfets peuvent décider d’une abaissement de la jauge si l’on est en présence de clusters d’infection. »

« Nous avons tenu à faire ce communiqué extrêmement rapidement parce que nous avons tout de suite senti que le secteur de la musique classique était particulièrement touché. Nous sommes très interconnectés avec les confrères en Europe et ceci nous aide à prendre la mesure de l’ampleur de la crise. Ce communiqué donne la tendance : quand nous avons annoncé hier que plus de 100 000 billets étaient à rembourser, c’était avant les annonces de l’Opéra de Paris. Le chiffre a quasiment doublé au moment où je vous parle. Les dégâts vont se chiffrer en millions ou en dizaine de millions € d’indemnisation et notre communiqué visait à montrer leur ampleur. Nous devons aussi accompagner nos personnels, très inquiets, pour que la continuité du travail puisse se faire. Autre préoccupation depuis les annonces du Président Trump : les artistes ne vont plus pouvoir circuler. »

« Nous sommes très inquiets sur les conséquences directes : places à rembourser, décaissements, il faudra honorer tout ou partie des salaires de artistes et des personnels, bien entendu. Les budgets de nos maisons sont connus ; ils sont consacrés à tout sauf à avoir des réserves de type assuranciel. Nous n’aurons pas, nous le savons très bien, les fonds pour faire face à la situation. Le secteur est donc tout de suite très directement impacté par les mesures qui s’imposent à nous. » 

« Nous attendons tous avec fébrilité les annonces du Président de la République ce soir. Et nous attendons que le gouvernement prenne bien la mesure des conséquences. De manière très concrète, il faudra que, assez rapidement, nous puissions bénéficier de moyens exceptionnels, de fonds de compensation. »

« A moyen terme, encore pire, on connaît tous la difficulté de nos missions, de remplir les salles, les théâtres. Il est beaucoup plus facile de les vider que de les remplir. Si la crise s’installe sur un moyen terme, les choses seront très compliquées, il ne faut pas se le cacher. Elle tombe d’autant plus mal que mars-avril-mai est une période d’intense activité, qui correspond aussi au moment où l’on dévoile les nouvelles saisons. On connaît tous nos fragilités : si l’on rate la période des abonnements c’est une partie du public que l’on a du mal à retrouver en cours d’année. L’inquiétude est là aussi. »

« Quant aux festivals, dont les modèles économiques sont encore plus fragiles que ceux des opéras ou des orchestres permanents, on ne peut rien dire le moment. L’été paraît encore loin, mais quand même ... »

Entretien avec Loïc Lachenal réalisé par Alain Cochard, le 12 mars 2020 (à 16h30)

Site des Forces Musicales : www.lesforcesmusicales.org/

Photo © Marion Kerno