Dans le cadre de sa programmation « zarza », le Théâtre de la Zarzuela de Madrid se réserve aux jeunes apprentis artistes et au jeune public. Ainsi en est-il du spectacle récemment programmé, El sobre verde, zarzuela de chambre ou « sainete » (scénette) composée en 1927 par Jacinto Guerrero (1895-1951), présentée au cours de différentes mâtinées scolaires et en trois soirées tout public. L’objectif est de faire appel à de jeunes interprètes, chanteurs et acteurs en formation dans les conservatoires, après auditions et sélection de les préparer sous un encadrement de répétiteurs professionnels (dont Antonio Fauró, Lilliam Castillo, Ramón Grau), pendant plus d’un mois pour un nouveau spectacle lyrique. Le résultat est à la hauteur de ces efforts et de ses espérances, pour drainer de nouveaux artistes et un nouveau et frais public, à en juger par ce dernier spectacle.
 

© Xavier del Real

L’œuvre choisie, s’y prête il est vrai. El sobre verde (« L’enveloppe verte », ou autrement dit « L’enveloppe bien garnie ») se veut une scène de genre légère, en deux actes, qui narre les aventures d’un clochard madrilène devenu riche par le plus heureux des hasards d’une loterie et s’en va dilapider sa fraîche fortune au cours d’un voyage dans les Amériques. Une fable gentille mais aussi corrosive, sur une musique énergique et piquante qui mêle sans complexe chotis (danse madrilène dérivée du scottish écossais), tango et charleston. Pour l’occasion, il a été toutefois procédé à quelques révisions du livret comme de sa musique.
 

© Elena del Real 
 
On reste ébahi par la réussite collective de ces 18 intervenants sur scène, chanteurs en solitaire ou en chœur, figurants, acteurs (pour les nombreux et bien dits dialogues parlés) et tout à la fois ! Les voix sont légères en solo mais particulièrement bien lancées dans les multiples passages choraux. Rappelons que la salle du Teatro de la Zarzuela et son acoustique favorable se dispensent de toute sonorisation (heureuse initiative par les temps qui courent !). Il serait vain de nommer tous les participants. Signalons David Pérez Bayona (Nicanor, le personnage central) ou Iñigo Etayo (Premio Gordo, ou « Gros Lot », entre autres), en raison de leur rôle principal et de leur présence constante. La formation orchestrale, de huit instrumentistes à même le plateau et eux professionnels, sonne en juste adéquation sous la direction animée de Cecilia Bercovich. La mise en scène et la chorégraphie de Nuria Castejón, les costumes affriolants de Gabriela Salaverri, emportent l’ensemble dans une vie mouvementée de chaque instant. Et le public qui se presse à la soirée pour tous (dont de nombreux parents et amis des jeunes artistes) de réserver un triomphe des plus mérités.
 
Pierre-René Serna

Guerrero : El sobre verde  - Madrid, Teatro de la Zarzuela, 25 février 2022 // teatrodelazarzuela.mcu.es
 
 Photo © Elena del Real