C’est une bien belle démarche qu’accomplit depuis 2004 le discret mais important festival Musiques Interdites à Marseille. Voué à la résurrection de ces grands compositeurs mis à l’index par les tyrans fascistes et communistes, il permet de parcourir une gamme inusitée d’œuvres méritant de conquérir une place au grand jour. Cette année, Mahler, qui, surjoué aujourd’hui, eut aussi son heure de désamour, est fortement représenté (Aude Extrémo interprétera entre autres les Chants du Compagnon errant à l’Opéra de Marseille).
 

Frédéric Chaslin © DR
 
Mais le regard se pose sur une création inusitée et tout à fait originale : d’essence surréaliste, et baptisée Bestiaire humain, elle met bout à bout les signatures de Kafka (avec sa dernière nouvelle, Josefine la cantatrice), et de Desnos (Le Bestiaire), aux univers si étranges, et si vrais à la fois. Et les réunit en une sorte de spectacle musical avec récitante, (la grande Judith Magre), ténor, soprano et piano acoustique, sur fond d’images irrésistiblement drôles et dérangeantes signées d’un personnage hors normes, le Frère Oliver Thomas Venard, aux multiples talents. Avec un maître d’œuvre musical de première grandeur, le chef Frédéric Chaslin, dont la carrière atypique a souvent flirté avec la musique contemporaine. Un regard autre, donc et un moment savoureux autant que peut-être décapant. Original et courageux, assurément.
 
Jacqueline Thuilleux