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Yunchan Lim en récital à l’Auditorium de la Fondation Louis Vuitton – Un musicien en or – Compte-rendu
Les lauréats de grands concours internationaux se succèdent à la Fondation Louis Vuitton, et ne se ressemblent pas ! Quelques semaines après l’énorme déception (musicale et pianistique) ressentie au terme du récital du Kazakh Alim Beisembayev (1), Médaille d’or du Concours de Leeds 2021, une expérience autrement stimulante attendait le public avec le premier récital parisien de Yunchan Lim, Coréen de 18 ans qui a remporté en juin dernier la Médaille d’or du Concours Van Cliburn – ce qui en fait le plus jeune lauréat de l’histoire de la compétition étatsunienne.
© Lisa-Maria Mazzucco
La nouvelle de sa venue aura en tout cas attiré nombre de membres de la communauté coréenne de Paris, majoritaire dans l’assistance – et d’une concentration pour le moins exceptionnelle. Il est vrai que Yunchan Lim est de ceux que l’on écoute ; de ceux qui, par-delà l’instrument, parlent seulement de musique. Le programme en dit d’ailleurs long sur sa nature profonde. Après avoir triomphé à Fort Worth dans le 3e Concerto de Rachmaninov, le jeune artiste se présente au public parisien, non pas dans le grand répertoire romantique ou post-romantique, mais avec la Pavan Lachrimae pour luth P.15 de Dowland (arrangée par W. Byrd), les 15 Inventions à trois voix de Bach, les 7 Bagatelles op. 33 et les Variations op. 35 « Eroica » de Beethoven. Difficile de concevoir proposition plus opposée à ce que l’ont attendrait d’un pianiste-de-18-ans-vainqueur-d’un-grand-concours-international, on en conviendra.
Le Dowland, découpé dans l’étoffe d’un rêve et d’un souverain équilibre dans les nuances, tient lieu de portique au récital et souligne d’emblée à quel musicien – et à quel maître du clavier ! – l’on a affaire. Les Inventions BWV 787-801 ne constituent pas a priori le choix le plus « payant » en récital. Mais le miracle opère ... Lim joue Bach sur un Steinway moderne en assumant totalement les potentialités expressives de l’instrument, avec un goût et une simplicité admirables. Dans les pièces les plus animées, son jeu ne cède à rien de mécanique, mais jouit pleinement de la polyphonie ; quant aux pièces les plus tendres, elles font figure de bulles de poésie. Pas un temps mort : un véritable propos sous-tend continûment l’interprétation. Quatorze pièces enchaînées, chacune parfaitement caractérisée, et puis, ce long et signifiant silence ... avant d’attaquer la quinzième, qui s’édifie, secrète et énigmatique à souhait, telle une réponse au Dowland introductif.
Beethoven occupe la second partie avec d’abord les Bagatelles op. 33, première incursion de Beethoven dans cette forme. Sept pièces d’un intérêt musical inégal ? Sans doute, mais Yunchan Lim le fait totalement oublier par l’acuité avec laquelle il souligne les atmosphères et le regard global qu’il pose sur le cahier. Ce sens de la globalité lui permet d’affronter avec maestria la plongée en apnée musicale que constituent les redoutables Eroica. Dosage parfait de l’énergie, fluidité des enchaînements, plénitude de la sonorité : la fugue surgit in fine avec une intensité et une évidence qui traduisent l’incroyable maturité du pianiste.
Trois bis répondent au plus que légitime enthousiasme de l’assistance : mouvement lent du Concerto en fa mineur et Jésus que ma joie demeure de Bach encadrant le Rêve d’amour de Liszt. Bref, jusqu’au bout, la signature d’un pur musicien.
Alain Cochard
(1) le 15 décembre 2022 (Bach : Suite française n° 2, Schubert : Sonate D. 958, Liszt : cinq Etudes d’exécution transcendante)
Paris, Auditorium de la Fondation Louis Vuitton, 2 février 2023
Photo © Lisa-Maria Mazzucco
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