Depuis 2020, Rungis se singularise avec le Piano-Piano Festival, unique manifestation française consacrée au duo de piano. On en doit l’initiative de Ludmila Berlinskaya et Arthur Ancelle, ses directeurs artistiques. Mondialement célèbre pour son Marché, Rungis témoigne d’un dynamisme exceptionnel en matière culturelle. À l’approche de la 5e édition (forte de 11 concerts, du 2 au 6 octobre, dont un au Théâtre des Champs-Elysées, le 3), et tandis que la cité du Val-de-Marne vient d’inaugurer son nouveau Conservatoire de musique, de danse et d’arts plastique, Concertclassic a interrogé son maire, Bruno Marcillaud (photo). Quand économie et culture font bon ménage ...
 

 
Rungis est d’abord associé à un M.I.N. (Marché d’Intérêt National) particulièrement célèbre. Quelle place occupe la culture dans votre ville ?  
 
Quand on parle de Rungis on imagine un monstre puisque le M.I.N. est le plus grand marché du monde – il occupe 240 hectares et emploie 12000 personnes. Nous sommes une ville atypique, avec 6000 habitants et 35000 emplois. Quel rapport avec la culture ? Cet atypisme nous donne une puissance financière importante et nous permet de la réutiliser pour le bien-être de nos habitants ; bien-être qui passe par la culture, le sport et toutes les associations. Nous avons toujours eu un tissu culturel très développé dans la ville : nous disposons d’un théâtre de 450 places, d’une médiathèque importante, une ludothèque est en cours de construction, nous venons d’inaugurer un Conservatoire de musique, de danse et d’arts plastiques. Aucune ville de 6000 habitants ne pourrait se permettre d’investir autant d’argent dans la culture et les équipement culturels. Mes prédécesseurs et moi-même avons toujours été très attentifs à ce domaine, et Véronique Bastide, maire adjointe à la Culture depuis quatre mandats, a en quelque sorte été le fil d’Ariane de cette politique ambitieuse et qualitative.

Ludmila Berlinskaya & Arthur Ancelle © Sylvain Gripoix

 
Le Rungis Piano-Piano Festival, consacré au duo de piano, est une manifestation unique en son genre en France. Comment les choses ont-elles débuté et quel bilan tirez-vous alors que la 5e édition s’ouvre le 2 octobre ?
 
C’est l’occasion qui a fait le larron, si vous me permettez cette formule. Nous avons la chance de compter deux pianistes de renommée internationale parmi nos habitants : Ludmila Berlinskaya et Arthur Ancelle. Ils sont un jour allés voir mon prédécesseur, grand mélomane, et lui ont soumis l’idée de ce festival bâti autour de la musique pour duo de piano dont le répertoire est immense et qui ne bénéficiait pas jusqu’alors en France d’une manifestation qui lui soit spécifiquement destinée.
Pour faire venir des artistes de renommée, la ville a, la première année, mis la main à la poche. Pour ce qui est des acteurs économiques, le Groupe ICADE, le plus gros employeur de Rungis (le Parc d’affaires ICADE totalise 15000 employés, avec les sièges de sociétés aussi diverses que Thalès, Lidl ou Super U) était présent dès le départ. D’autres entreprises ont rejoint le mouvement depuis et apportent leur aide au festival. Le but était de le faire monter en gamme. Au bout de cinq ans, on s’aperçoit qu’il a une renommée hors les murs. Il comprend cette année un concert à Paris, au Théâtre des Champs-Elysées, avec l’Orchestre national de Lille – une soirée financée par le Groupe ICADE.
En plein covid, la première année du Festival avait été difficile, beaucoup d’annulations étaient intervenues. Dès la deuxième édition, des artistes de renommée internationale ont été présents ; le succès est allé grandissant depuis, démontrant l’utilité d’une manifestation construite autour du répertoire qui est celui du Rungis Piano-Piano Festival, avec la découverte d’œuvres parfois très rares. Mais la ville continue de soutenir le festival, pour compléter son budget si l’apport de l’ensemble des sponsors se révélait insuffisant.

Véronique Bastide et Bruno Marcillaud lors de l'inauguration du Conservatoire de musique, de danse et d'arts plastiques de Rungis (21/09/24) © DR

 
Certains concerts du 5e Festival auront lieu dans l’Auditorium du tout nouveau Conservatoire de musique, de danse et d’arts plastiques de Rungis. Quelques mots sur ce nouvel établissement ? Avez-vous constaté un effet d’entraînement du Rungis Piano-Piano Festival sur les classes de piano du Conservatoire (jusqu’ici situé rue Sainte-Geneviève) ?
 
Grâce au Rungis Piano-Piano Festival, on a en effet pu constater depuis deux ou trois ans un accroissement du nombre d’enfants inscrits en piano. Du nombre d’adultes également, car c’est aussi l’atypisme du Conservatoire de Rungis que d’accueillir des adultes. Nous disposons désormais d’un équipement de très grande qualité (3000 m2, 22 salles, un auditorium de 200 places, pour lequel nous avons fait appel aux compétences de l’acousticien Jean-Paul Lamoureux, des studios d’enregistrement de qualité professionnelle), construit sur le site de la ferme historique de Rungis et pour lequel la ville à investi 17 M € en faisant appel à des matériaux de qualité exceptionnelle. Nous avons en outre loué deux magnifiques pianos à queue en Allemagne, chez Steinway – instruments qui seront renouvelés dans trois ans. Nous aurions pu construire un bâtiment entièrement neuf pour un budget de 30 à 40% inférieur, mais mon prédécesseur, avec Véronique Bastide à ses côtés, a préféré inscrire le nouveau Conservatoire dans un lieu patrimonial dont l’origine remonte aux années 1200 ; c’était une ferme du chapitre Notre-Dame de Paris. Au cours des siècles, le bâtiment est passé entre différentes mains et a été racheté par la ville à la fin des années 1990. Resté longtemps inutilisé, il comporte une magnifique grange, qui remonte aux années 1800, où nous avons construit un auditorium, à l’acoustique exceptionnelle de l’avis de tous les connaisseurs. Les mélomanes pourront l'apprécier à l’occasion du 5e Rungis Piano-Piano Festival.
 
Propos recueillis par Alain Cochard le 21 septembre 2024