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​ Trois Questions à Nemanja Radulović – « J’ai passé une magnifique année avec les musiciens de l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg »

 
Riche actualité pour Nemanja Radulović, que l’on retrouve le 26 novembre à la Philharmonie de Paris au côté de l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg et Aziz Shokhakimov pour le concert marquant la fin de sa résidence auprès de la phalange alsacienne. La belle entente du violoniste et du directeur musical de l’OPS augure d’un flamboyant Concerto pour violon de Khatchatourian. « Nemanja possède une incroyable énergie qui trouve un écho à la fois dans le public et dans l’orchestre, souligne Shokhakimov. C’est véritablement inspirant. Ses interprétations sont extraordinaires et uniques, et il joue avec une expression tellement naturelle que c’est toujours une grande joie de travailler avec lui. »
L’enthousiasme n’est pas moins vif du côté du violoniste, comme le prouvent les propos ci-dessous. Une rencontre qui nous a en outre amené à évoquer le disque Bach qui vient de paraître (1), enregistré avec l'ensemble Double Sens (Warner Classics). Un programme mêlant pages originales et transcriptions, interprétées de la plus rayonnante façon, où Nemanja Radulovic a pour complices Philippe Jaroussky et le hautboïste Sébastien Giot. Un vrai régal !

 

© Parlophone Records Ltd

Commencée en avril dernier, votre résidence à l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg prend fin avec le concert du 26 novembre à la Philharmonie de Paris. Quel bilan tirez-vous de cette expérience, de la proximité que vous avez eue avec la formation et Aziz Shokhakimov pendant quelques mois ? Vous connaissiez déjà l’OPS j’imagine ...
 
Oui, j’avais déjà été invité à l’époque de Marko Letonja, pour le Concerto de Katchatourian. Quant à Aziz, j’avais pour la première fois joué sous sa direction en 2021, dans le Concerto n° 2 de Prokofiev ; un très beau souvenir. J’avais été frappé par l’authenticité de sa direction, mais aussi par son autorité naturelle – il n’éprouve aucun besoin d’en rajouter, comme cela peut se produire avec certains jeunes chefs – et par l’efficacité de son travail pendant les répétitions. Je ne me suis donc pas fait prier pour me lancer dans cette résidence, qui a comporté des concerts, des masterclasses ; nous sommes partis en tournée aussi : j’ai vraiment passé une magnifique année avec les musiciens de l’Orchestre de Strasbourg. Ils forment une vraie famille. Et j’ai été frappé par leur investissement musical dès les répétitions, par l’homogénéité des cordes et la qualité vraiment exceptionnelles des vents –  pas une faiblesse où que ce soit. Et il m’a été très agréable de disposer de plus de temps pour les répétitions, ce qui nous a permis d’approfondir le détail des partitions.
 

En mai 2024 à Strasbourg avec Aziz Shokhakimov © Grégory Massat
 
Vous avez déjà eu l’occasion de jouer le Concerto de Katchatourian à deux reprises en octobre à Strasbourg, sous la direction de Jaime Martin, et vous le reprenez dans quelques jours à Paris. Parlez-moi de votre relation avec ce concerto, connu certes, mais qui demeure un peu en retrait par rapport à d’autres. Vous l’avez joué très tôt ?
 
Je l’ai découvert au conservatoire, joué par d’autres élèves de la classe. Mon professeur ne voulait pas me le donner à l’époque ; il me dirigeait plutôt vers Sibelius ou d’autres ouvrages plus connus. Arrivé en France, je me suis – vers l’âge de 17 ans – plongé dans la partition de Katchaturian : j’ai toujours adoré cette œuvre ! J’avais dans l’oreille la version de Kogan et celle d’Oistrakh, qui sont très différentes. Cette énergie rythmique et ce parfum d’une partie du monde, avec quelque chose d’un peu oriental dans les mélodies, m’ont toujours inspiré. J’ai joué énormément ce concerto, mais je ne m’en lasse pas. Depuis mes 20 ans mon interprétation a beaucoup évolué, mais ce feu, et cette intériorité dans le deuxième mouvement, me touchent toujours autant. Il faut savoir que le mouvement lent a d’abord été de la musique pour un film sur la guerre. Au Japon, un journaliste m’a un jour montré quelques images de ce film, on y entendait le thème principal joué au violoncelle. On y voyait, dans un paysage enneigé, des soldats et des gens cachés, apeurés, dans l’impossibilité de parler. Impossible pour moi de ne pas penser à cela lorsque que je joue ce mouvement, avec la sourdine de bout en bout, face à un orchestre sans sourdine.
 
 

Terminons par le disque Bach qui vient de paraître. Un compositeur que d’aucuns voudraient parfois réserver aux interprètes baroques, et que vous partagez de la plus enthousiaste façon avec les musiciens de Double Sens ...
 
C’est un compositeur qui m’accompagne depuis le départ. J’ai commencé à 7 ans et demi avec l’Allemande de la Partita n°2 et Bach est présent au quotidien dans ma vie. Je ne suis pas un violoniste baroqueux mais je trouve formidable ce que ces interprètes ont apporté ne serait-ce que durant les dix dernières années. Ce disque est aussi le reflet de ce que l’on vit aujourd’hui à travers cette musique, de la manière dont on peut la percevoir. Je pense que Bach était un compositeur foncièrement généreux envers les interprètes. Il m’a aidé à mûrir. C’est quelqu’un qui, dans la complexité, possède une simplicité emplie de vie humaine, d’émotions : une chose proprement unique.
Double Sens constitue une vraie famille musicale ; chacun dans cet ensemble apporte ses idées. Les musiciens ont proposé des choses pendant l’enregistrement qui ont été conservées au moment du montage. Et je dois ajouter que Denis Vautrin et Gauthier Simon, qui étaient en régie, nous ont énormément aidés dans cette recherche. L’idée était d’aller vers un Bach humain et nous avons tous œuvré en ce sens.  
 
Propos recueillis par Alain Cochard, le 14 novembre 2024

 

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Nemanja Radulović, violon / Orchestre Philharmonique de Strasbourg, dir. Aziz Shokhakimov
Œuvres de Khatchatourian & Prokofiev
26 novembre 2024 – 20h
Paris – Philharmonie 
philharmoniedeparis.fr/fr/activite/concert-symphonique/27108-orchestre-philharmonique-de-strasbourg-aziz-shokhakimov?itemId=135159
 
 
Photo © Parlophone Records Ltd

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