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Compte-rendu : Manon Lescaut à Marseille - Décevant retour
Pour son retour à Marseille après vingt-huit ans d’absence, Manon Lescaut n'a pas eu de chance. Dans les mains d'Yves Coudray la trajectoire de cette héroïne emportée par ses sens, ballottée par un frère entremetteur entre la raison et le grand amour, paraît anecdotique et timorée. En voulant épurer à tout prix, son spectacle stylisé à l'extrême et transposé au XIXème siècle, se contente d'appuyer lourdement quelques symboles - l'argent, la prostitution, l'amour, la trahison - sur une intrigue ramassée et en perpétuel mouvement.
Au milieu de ces hommes d'affaires en redingote et chapeau claque qui passent de leurs salons bourgeois aux maisons closes, de ces ouvriers débrouillards et de ces prostituées au grand coeur, l'insouciante Manon (vêtue à la mode XVIIIème !...) tente de se frayer un chemin avant que son destin ne bascule. Pour ceux qui gardent en mémoire la magnifique production de Robert Carsen vue à la Bastille en 1991, le choc est rude. Décors sans âme (Michel Hamon), lumières indigentes (Philippe Grosperin et Fred Marty), occupation du plateau pataude et jeu convenu, rien ne nous est épargné. Catherine Naglestad, invitée en 2005 pour camper Tosca, n'est toujours pas une voix puccinienne.
Le rôle, on le sait, est difficile et de grandes cantatrices s'y sont cassé les dents. Son soprano qui évoque parfois celui d'Anna Moffo en fin de carrière, manque de moelleux, de couleur ; son expression d'italianité ; ses aigus de rayonnement. On peut reprocher à Karita Mattila cette absence de pâte, propre au style italien, mais ses "défauts" sont compensés par un engagement vocal, une pénétration dramatique et une élocution autrement plus riches que chez sa consoeur américaine. Si l'actrice est plutôt convaincante, la diseuse est assez terne, impression renforcée par une diction cotonneuse qui nuit à l'interprétation. Là encore la composition de Diana Soviero (la Manon de Carsen, dirigée par Nello Santi) reste un modèle, avec Scotto, Freni et Olivero.
Zwetan Michailov (qui remplace Andrew Richards), est un piètre comédien, incapable de soutenir convenablement Manon, écrasée de fatigue sur les routes de la Louisiane, doublé d'un chanteur dénué de musicalité, qui se contente de lancer quelques aigus claironnants, sans donner l'impression de savoir ce qu'il chante. Marc Barrard (photo) campe un remarquable Lescaut animé d'une voix vive et bien trempée, tandis que Jacques Calatayud se tire facilement du rôle de Géronte dont il connaît chaque subtilité. Mention spéciale pour le sémillant Edmondo du ténor Julien Dran, Aude Extrémo (un musicien) et Philippe Fourcade (Le sergent) complétant cette distribution.
Alors qu’il avait donné pleine satisfaction en dirigeant Lucia di Lammermoor en 2007, Luciano Acocella ne montre pas les mêmes affinités avec Puccini. Une battue rigide, des choeurs décalés par rapport à l'orchestre, de nombreuses imprécisions, notamment au premier acte, un discours assez plat, sans passion ni émotion privent de tout ce qui constitue la musique de Puccini, homme et musicien à la sensualité débordante.
François Lesueur
G. Puccini : Manon Lescaut – Opéra de Marseille, le 12 novembre, puis les 17, 19 et 22 novembre 2009
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Photo : DR
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