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Compte-rendu : Chostakovitch heureux - Moscou, quartier des cerises à l’Opéra de Lyon
Si de la main droite Chostakovitch écrivait avec une rigueur morose le journal des années de plomb de l’URSS, qui constitue son grand œuvre tragique, il produisit de sa main gauche et tout au long de son existence, des partitions légères ou illustratives : quantité de musiques de films, souvent des comédies d’ailleurs, et nombre d’opus pour le cirque ou pour les orchestres de divertissement de la Radio Nationale.
Et c’est ainsi qu’après trois opéras allant de l’ironie surréelle (Le Nez) à l’adaptation flamboyante des Joueurs de Gogol en passant par le drame expressionniste (Lady Macbeth de Mzensk), il se laissa convaincre par un sujet digne de la comédie musicale, agrémenté d’un gentil fond de critique du système – que permettait l’ère Khrouchtchev - et d’une pointe de fantastique (le dernier acte, avec son banc magique qui démasque les menteurs).
Ce Moscou, quartier des cerises (1958) répond également à la vogue des musicals de Broadway et en reprend habilement nombre de poncifs en les dégageant avec une pointe d’ironie amusée et sans oublier de vrais effets poétiques, de tout sentimentalisme à l’eau de rose.
L’Opéra de Lyon avait présenté l’ouvrage en France pour la première fois en 2004 dans une impeccable production de Macha Makaïeff et de Jérôme Deschamps, facilitant l’accès en faisant dire les dialogues en français par les chanteurs majoritairement russes, et produisant ainsi un effet comique certain, puisque ceux-ci les disaient avec leurs accents aussi exquis que désopilants.
La reprise brille plus que la première série de représentations, d’abord grâce à la battue alerte et imaginative, tendre ou persifleuse quant il faut, de Kirill Karabits, qui met des ailes à son orchestre et accompagne son plateau avec des luxes d’attention. Avec en plus de cela un sens du mouvement général, un goût des rythmes aiguisés, une imagination dans les phrasés et les accents qui signalent décidément l’art d’un des tout grands chefs de sa génération.
Plateau parfait, dominé par la Lidotchka d’Olga Peretyatko, remplaçant au pied levé Elena Semenova, et par le formidable Boris de Nabil Suliman, ou encore la tendre Macha de Christina Daletska dont le timbre séduit décidément par ses couleurs d’ambre. Admirable basse, Gennady Bezzubenkov donne à Babourov une sorte de philosophie désabusée et tendre à la fois qui en fait bien plus qu’une silhouette. Le spectacle déroule sa direction d’acteur brillante et ses ballets poétiques – très belles chorégraphies d’Anne Martin – on en sort revigoré et en regrettant que Chostakovitch n’ait pas poursuivi dans cette veine à la fois heureuse et un rien douce-amère : tout son génie y brille sans jamais faire sentir l’effort, cet inconvénient immanquable des arts dit légers.
Jean-Charles Hoffelé
D. Chostakovitch : Moscou, quartier des cerises - Opéra de Lyon, mardi 29 décembre 2009.
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Photo : DR
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