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Compte-rendu : Folies d’hier et d’aujourd’hui - Jean-Marc Andrieu et Les Passions


En formation réduite avec seulement huit musiciens – flûte(s), deux violons, alto, violoncelle/viole de gambe, contrebasse, guitare baroque/théorbe, clavecin –, certes un peu à l'étroit (notamment le beau clavecin joué par Yasuko Uyama-Bouvard !) sur la scène exiguë de L'Archipel bien que dans une acoustique étonnamment présente, Les Passions, orchestre baroque en résidence à Montauban dirigé par le flûtiste Jean-Marc Andrieu, ont imaginé un programme entièrement inspiré du thème fameux de « la folie d'Espagne », formidablement séduisant et entêtant jusqu'au vertige, invitant à des variations et gloses d'une inépuisable invention.

Vivaldi ouvrait le bal avec sa Sonate pour deux violons op.1 n°12 « La follia », virtuose en diable et donnant un éblouissant aperçu des possibilités du thème. Suivirent deux œuvres « doubles » en forme d'étonnantes adaptations : d'un côté la transcription pour flûte, par Jean-Marc Andrieu, de la Sonate de Corelli associée à la version pour cordes de Geminiani, de l'autre la superposition de la Follia de Corelli et de la version de Marin Marais : analogies et différences d'approches contemporaines reflétant les tempéraments diversement trempés de l'Europe d'alors.

Entendue à l'orgue et au pianoforte lors de l'édition 2009 de Toulouse les Orgues (mémorable récital Haydn), Yasuko Uyama-Bouvard touchait à L'Archipel son troisième instrument, le clavecin. En marge d'un important corpus de Sonates, le fils puîné de Bach, Car Philipp Emanuel, a laissé 12 Variationes über die Folie d'Espagne (1778) – le titre est en lui-même une manière de condensé européen – d'une invention et d'une exigence instrumentale prodigieuses. Surprendre au plus profond (par des moyens intimement musicaux, aspect le plus « moderne » de l'œuvre), émouvoir et séduire, tout y est, jusqu'à un finale, après maintes variations grandioses en forme de défi, sur la pointe des pieds…



La magnifique et chaleureuse prestation de l'ensemble se refermait sur un autre genre de défi : composer une œuvre de notre temps pour ce même octuor baroque sur instruments anciens, défi relevé par le compositeur toulousain Thierry Huillet. Commande de l'orchestre Les Passions créée la veille au Théâtre Olympe de Gouges de Montauban (concert donc repris à Paris puis dès le lendemain à la chapelle Sainte-Anne de Toulouse), Folies !, thème et profil rythmique jaillissant progressivement d'une sorte de chaos initial, élargit sensiblement l'invitation au voyage en intégrant, subtiles influences ou simples échos, musique arabo-andalouse et flamenca, musiques contemporaine et du monde. Usant généreusement de la composante syncopée du thème et de l'importance revendiquée par les temps « faibles », qui comme dans le jazz, entre autres approches « libres » de la musique, mènent souvent le jeu, Thierry Huillet signe une œuvre dense mais accessible, d'une virtuose effervescence et à la rythmique savoureuse, aussi intrinsèquement baroque d'invention que moderne par le langage, mettant tour à tour en lumière chacun des protagonistes et son instrument.

Michel Roubinet

Paris, L’Archipel, lundi 1er février 2010

Sites Internet :

Les Passions – Orchestre baroque

http://www.les-passions.fr/index.htm

Thierry Huillet

http://www.claracernatthierryhuillet.com/thierry.html

L'Archipel

http://www.larchipel.net/

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Photo : Fabienne Azéma

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