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Compte-rendu : 44 e Festival de la Chaise-Dieu - A la recherche d’un nouvel équilibre
Considéré de plus en plus comme une manifestation musicale à connotation baroque, le Festival de la Chaise-Dieu créé en 1966 par le pianiste Georges Cziffra cherche, grâce à son directeur Jean-Michel Mathé (nommé en 2003), à retrouver un équilibre au niveau du répertoire, se rapprochant davantage des intentions de son célèbre fondateur. En outre, l’Académie de la Chaise-Dieu, sous la responsabilité de Cyril Huvé, propose des sessions de formation instrumentale pour les jeunes. La 44e édition a inscrit cette alternance dans une programmation variée susceptible de satisfaire un plus large public avec plus de soixante concerts décentralisés dans treize lieux.
L’Orchestre des Solistes européens du Luxembourg associé au Chœur Arsys-Bourgogne sous la direction de Pierre Cao, livre du Requiem Allemand de Brahms une vision portée à bout de bras par un chef soucieux de la construction polyphonique, toujours sensible à l’humanité, à la tendresse et à la fluidité d’une œuvre sublimée par la voix sans vibrato, cristalline, lumineuse de la soprano Gerlinde Sämann, ainsi que par les interventions proches du lied du baryton Thomas E. Bauer.
Jean-Marc Luisada offre pour sa part un récital Chopin / Schumann où la générosité le dispute à une imagination souvent débordante. Les Nocturnes op 9 et op 27 du compositeur polonais prennent sous ses doigts une dimension théâtrale, tandis que les Ballades n°3 et 4 sont un combat véhément contre la matière dont l’interprète sort pourtant vainqueur. La brève Nostalgie du pays de Milosz Magin (qui fut le professeur de Luisada) offre un intermède de détente au milieu de cet affrontement aux antipodes de la légende d’un Chopin chétif. Les Danses des compagnons de David op 6 de Schumann montrent le soliste attentif aux contrastes, aux changements d’humeur dans une lecture délibérément romantique qui débusque au détour de chaque pièce tout un monde à la fois confidentiel, exalté, poétique, aux couleurs variées et volontiers crépusculaires. Un moment magique dans l’Auditorium Cziffra, salle à l’acoustique idéale inaugurée au début du festival en présence de Frédéric Mitterrand.
Sous la baguette d’Arie van Beek, l’Orchestre d’Auvergne confirme sa belle tenue, son homogénéité (Variations de Britten sur un thème de Frank Bridge, Cinq danses grecques de Nikos Skalkottas) et son dynamisme dans le cinématographique The Ship of Ishtar de Guillaume Connesson. En revanche, l’accompagnement dans l’arrangement de David Walter pour une « formation Mozart » du Concerto pour piano en fa mineur de Chopin ne fait pas oublier l’original, d’autant qu’Anne Queffélec semble plus préoccupée par l’exactitude digitale que par l’élan passionné.
L’Orchestre Les Siècles de François-Xavier Roth se montre d’une verve contagieuse dans la Suite Pastorale de Chabrier, Mosaïques (1994) de Yan Maresz à la texture picturale, ou encore Streets de Bruno Mantovani (2006) aux dialogues jubilatoires entre harpe, flûte, basson, clarinette, cor, trompette, percussion et cordes. Au tempo naturel de la Pavane pour une Infante défunte de Ravel répond le Concerto en sol exécuté avec un plaisir communicatif dans les mouvements extrêmes par Jean-Philippe Collard, un peu extérieur pourtant dans l’Adagio assai. Un exemple néanmoins d’un art du clavier au raffinement subtil.
Dans la Basilique Saint-Julien de Brioude, les Solistes de Lyon de Bernard Tétu, après des extraits émouvants du Requiem d’Olivier Greif, font découvrir la version originale pour piano et chœurs du Stabat Mater de Dvorak, une composition marquée par la souffrance du compositeur après la mort successive de ses trois enfants. Au clavier, Marie-Josèphe Jude se fond dans le tissu polyphonique de cette œuvre austère et poignante.
Retour à l’ère baroque avec la Cantate pour le tremblement de terre de Rome de Haendel (1707) et le Magnificat de Bach (1723) par les Paladins menés avec conviction par Jérôme Correas et des solistes dont se détache la soprano Anna-Maria Panzarella. Plus narratif et déclamatoire dans Haendel, le chef est moins inspiré dans le Magnificat qui, hormis le motorisme du final, ne réussit pas à vaincre un certain statisme.
Enfin, David Bismuth, le 27 août, rend justice aux transcriptions autour de Jean-Sébastien Bach (la Chaconne selon Busoni prend une densité quasi orchestrale sous les doigts du pianiste) et se révèle fin coloriste (Pour le piano de Debussy) et rythmicien (extrait de la Bachianas Brasileiras n°4).
Le post-romantisme est à l’honneur avec une œuvre foisonnante de Jean-Louis Florentz (Qsar Ghilâne op 18) aux parfums entêtants des sables du désert, magnifiquement orchestrée, mais d’une longueur excessive. L’Orchestre Symphonique de Saint-Etienne dirigé par Laurent Campellone aux gestes appuyés, ne facilite pas la tâche de Nicolas Dautricourt dans le Concerto pour violon de Sibelius. Plus appliqué que virtuose, plus fin que déclamatoire, le violon oublie le caractère vigoureux et puissant de l’œuvre. Très engagé mais désordonné dans la Symphonie n°4 de Brahms, Campellone réserve des moments d’enthousiasme mais néglige l’architecture d’ensemble, ménageant de beaux détails au détriment de l’unité profonde de cette partition au long cours qui envahit de son souffle le vaisseau de l’Abbatiale.
Michel Le Naour
44e Festival de La Chaise-Dieu : Abbatiale Saint-Robert, Auditorium Cziffra, Basilique Saint-Julien de Brioude, Théâtre du Puy-en-Velay, les 23, 24, 25, 26 et 27 août 2010
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