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Compte-rendu : Cycle Mahler/ Daniele Gatti-ONF - Une saisissante « Tragique »
Après nous avoir transportés avec une 5ème Symphonie d'une puissance écrasante (cf. compte-rendu du 28 septembre 2010), Daniele Gatti et l’Orchestre National poursuivent vaillamment leur parcours mahlérien avec la 6ème Symphonie. Face à l'imposant orchestre voulu par le compositeur le chef, sans partition, impressionne par la calme détermination de son geste. "Tragique" dès l'Allegro, dont le foudroiement orchestral tétanise, l'œuvre parfaite du point de vue formel, tendue à l'extrême, se déploie, dominée par la violence du discours, ses cuivres aux attaques tranchantes et ses mélodies aux thèmes lancinants.
Après ce premier mouvement résolument noir, qui semble mener tout droit vers l'abîme, au rythme implacable d'une marche, Daniele Gatti – à la différence de l’habitude prise par certains collègues, mais conformément au souhait de Mahler dans l’édition définitive de l’œuvre - enchaîne avec le Scherzo où, malgré les passages tourmentés, il obtient de sa phalange des accents mélancoliques et sereins qui conduisent l'auditeur plus aisément vers l'Andante. Havre de paix et de poésie (en fait une paisible déclaration d'amour à l'épouse aimée, Alma), le 3ème mouvement bouillonne, mais l’équilibre des plans sonores et l’harmonie des couleurs traduisent à merveille l'état d'esprit dans lequel Mahler se trouvait ; une période heureuse et féconde qui n’excluait pas les moments de doute et de désespoir. Ceux-ci sont palpables dans l'Allegro moderato tenu par Gatti de manière étourdissante, un épisode par ailleurs marqué par la densité minérale des masses sonores, les oppositions de tempos et les ruptures occasionnées notamment par l'apparition inopinée de cloches graves au lointain, dont l'effet se révèle des plus surprenants. Au final, point d'apothéose comme dans la 5ème, mais un effondrement qui souligne l'intimité du drame mahlérien.
En première partie, le baryton Matthias Goerne rendait hommage au compositeur avec des Rückert-Lieder pleinement maîtrisés et d'une exemplaire sensibilité. Allégeant son timbre pour accompagner la délicatesse propre à "Ich atmet einen linden Duft", l'interprète épouse magnifiquement l'état d'âme du compteur plongé dans une atmosphère poignante et d'une grande simplicité. Ne faisant plus qu'un avec l'orchestre, d’une texture miroitante pendant le célèbre "Ich bin der Welt abhanden gekommen", illuminé par son magistral solo de cor anglais, Goerne, force tranquille du chant mahlérien, confirme sa suprématie dans ce répertoire, digne successeur de Thomas Hampson.
François Lesueur
Paris, Théâtre du Châtelet, 13 janvier 2011
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Photo : DR
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