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Compte-rendu : Jean-Claude Pennetier à Piano à Lyon - Délice tantrique
Splendide programme de Jean-Claude Pennetier dans la série Piano à Lyon. Toujours rétif à la facilité, il compose une première partie d’une rare intelligence en entrecroisant des préludes de Fauré et Chopin, auxquels il ajoute l’avant-dernier des 24 Préludes de Maurice Ohana qu’il avait créés en 1973. Au jeu du miroir, c’est évidemment Chopin qui est projeté dans une lumière nouvelle. L’enracinement des basses, l’absorption de la mélodie par des audaces harmoniques et rythmiques en font un coloriste hors pair qui tourne le dos au romantisme pour annoncer la modernité du vocabulaire de Fauré, prince de la musique pure. Conscient de ce qu’ils doivent à Bach, Pennetier joue ces petites pièces aux humeurs changeantes comme autant d’exquises esquisses dessinant en quelques traits architecturaux un art du piano en miniature. L’intelligence de sa lecture va avec la modestie de l’interprète. En grand faune fauréen, il ne cherche aucun effet superfétatoire, mais confère à chaque prélude la force de l’instant tout en gardant leur liberté inachevée, comme une série de potentiels infinis. Se dessine alors un véritable délice tantrique propre aux Préludes, une façon de connaître tous les ressorts de la jouissance pianistique en en repoussant toujours l’achèvement.
On retrouve la même retenue, cette façon d’être dans l’émotion sans jamais sacrifier à l’épanchement, dans la Sonate en la majeur D. 959 de Schubert en deuxième partie. Toucher d’une infinie sensibilité, graves profonds, utilisation parcimonieuse de la pédale et détachés qui maintiennent une rythmique quasi baroque, ce Schubert-là est une somme, intégrant aussi bien les interprétations de la fugue selon Jean-Sébastien Bach que l’art de la variation beethovénien. Pennetier maîtrise comme personne cet art du détour à chaque fois différent pour toujours revenir au point de départ, notamment dans le redoutable premier mouvement, comme un voyage immobile à l’orée du romantisme. Le legato posé sur le balancier mélancolique de l’Andantino touche au sublime, avant un Scherzo virevoltant, jouant à merveille des crescendi pour libérer la danse. Les modulations du thème du dernier mouvement sonnent comme un lyrisme enfin libéré, mélodie simple et chantante recomposée à l’infini. La meilleure façon de terminer un des plus beaux récitals qu’on ait entendu cette saison.
Luc Hernandez
Lyon, salle Molière, 21 janvier 2011
Rens. : www.pianoalyon.com
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Photo : DR
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