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Lars Vogt, Paavo Järvi et l’Orchestre de Paris - Découverte, déconvenue, interrogations et espoir - Compte-rendu
Incroyable : les Trois Danses de Maurice Duruflé faisaient leur entrée au répertoire de l’Orchestre de Paris. Ce triptyque debussyste, à l’instrumentation subtile et au langage harmonique de haute tenue est simplement l’une des plus belles pièce d’orchestre écrite durant l’entre-deux-guerres, et Paavo Järvi est allé très loin dans ces musique aux arrière-plans foisonnants, laissant les timbres des parisiens émaner en leur donnant toujours cet influx rythmique qui est l’une des constantes de son art. Qu’une telle œuvre revienne seulement aujourd’hui au concert – voici peu l’Orchestre d’Île-de-France et Yoel Levi en proposaient également leur interprétation – est incompréhensible, en tous cas la prestation des Parisiens, captée, mériterait de paraître en disque : à ce jour seules trois gravures de l’œuvre ont été réalisées (le compositeur, Kantorow, Fournet), toutes indisponibles de surcroît.
Après une telle découverte on ne s’attendait pas à la déconvenue d’un 1er Concerto de Brahms empêtré par un soliste insuffisant peut-être parce que souffrant. Ce jeu cogné, sur un piano aphone et pourtant clinquant, coincé dans la barre de mesure mais aux mains décalées, sans l’ombre d’un sfumato et évidemment sans legato, est-ce bien celui de Lars Vogt, chambriste réputé, musicien estimé par ses collègues ? On préfère lui donner quitus de cette contre-performance et on espère l’entendre en des jours et sur un instrument meilleurs.
Tout le ban et l’arrière-ban de la sibellerie parisienne – pas si étendue que cela malgré les efforts de l’infatigable Marc Vignal, biographe inspiré du compositeur de Kullervo – était là pour entendre les parisiens se confronter à la 5e Symphonie du Finlandais, une partition qu’ils avaient fréquentée dans l’excellente compagnie de Christoph von Dohnanyi au siècle dernier. Depuis son Kullervo un peu pataud avec lequel Paavo Järvi avait ouvert sa première saison de Directeur Musical lors d’un concert-manifeste, le son de l’orchestre s’est creusé, les violons ont pris de l’ascendant, les bois plus de sève que de métal, les cuivres du mordant et du râpeux et aux percussions l’excellent Macarez met beaucoup de caractère à ses interventions, comprenant bien que Sibelius fait des timbales non pas des ponctuateurs mais bien plutôt des créateurs d’atmosphères.
Las, la langue de Sibelius ne se possède pas aussi facilement, et les musiciens n’entendaient pas les tuilages harmoniques qui assurent la progression du Tempo molto moderato initial. Croyant bien faire, Paavo Järvi soulignait dans l’Andante les pas dansés en les invitant sur son propre podium. Péché mortel, car Sibelius, s’il s’inspire aux sources folkloriques, ne veut pas qu’on les perçoive dans sa musique. Pas d’imitation chez lui, mais toujours la transmutation du plomb en or. Encore une fois Järvi tient ses troupes par l’influx rythmique et des gestes de fort caractère, mais pour nous la coda du premier mouvement et celle du finale (comme d’habitude à Paris une partie du public a tenté d’applaudir juste après le premier accord, le chef ne leur en a pas laissé le temps) étaient prises bien trop vite, au point d’en dévorer les harmonies et de remplacer l’inéluctable tension par un effet.
On sortait un peu sur la réserve, mais heureux de voir que presque au bout de la saison l’alchimie entre le chef et ses musiciens fonctionne. C’est l’essentiel.
Jean-Charles Hoffelé
Paris, Salle Pleyel, 27 avril 2011
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Photo : Mark Lyons
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