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Il Postino au Châtelet - Poésie naïve - Compte-rendu
Le Thêatre du Châtelet accueille Il Postino, un opéra du Mexicain Daniel Catán (1949-2011), commandé par Plácido Domingo et créé en septembre dernier à l'opéra de Los Angeles. Décédé avant cette création française, le compositeur avait écrit lui-même le livret, adapté d'un roman d'Antonio Skármeta – présent sur scène lors des saluts – et du film qu'en avait tiré Michael Radford en 1994, racontant la rencontre (fictive) du poète Pablo Neruda avec un jeune facteur qui découvre auprès de lui la poésie et l'engagement politique.
Le début de l'ouvrage laisse d'abord espérer une certaine vivacité dans le traitement des scènes. Elles s'enchaînent, courtes, pour dévoiler le contexte de l'histoire : plein air, un notable, Mussolini de carnaval, entouré de ses « chemises noires », parade et promet ; intérieur, la chambre de Mario Ruoppolo, son père, las, revient de la pêche, son travail ; Mario prend son service au bureau de poste où il vient d'être embauché ; son collègue, communiste dévôt, lui apprend l'arrivée sur l'île du grand poète Pablo Neruda. Mais après ces quelques scènes, brossées à grands traits tout autant que par petites touches, l'opéra de Daniel Catán adopte un rythme beaucoup moins énergique, alourdi par une musique qui, certes, porte bien le chant mais ne montre vraiment pas beaucoup d'originalité.
L'orchestration de Daniel Catán lorgne vers Ravel pour une certaine simplicité mélodique (mais sans le soin de l'orchestration) ou vers les brumes debussystes (mais là encore sans la finesse). À la longue, domine – dans les duos surtout – une sorte d'emphase puccinienne sans génie, sur laquelle Jean-Yves Ossonce, à la tête d'un Orchestre symphonique de Navarre efficace mais pas toujours brillant, n'a pas forcément beaucoup de prise. Quant à la mise en scène, très statique, de Ron Daniels, elle n'aide guère à tirer l'opéra de sa torpeur.
Pourquoi alors, l'impression générale n'est-elle finalement pas si désagréable ? Pour le chant tout d'abord, sans surprise mais parfaitement écrit pour ses interprètes : Plácido Domingo, dans le rôle du poète, s'en tire avec un registre constamment moyen ; malgré un temps de présence sur scène important, le rôle n'a rien d'écrasant. Il peut donc composer à loisir un Neruda sage, tout en rondeur et en douceur jusque dans ses moments de désespoir. Mario Ruoppolo, le facteur, a quant à lui, bien évidemment, toute la fougue un peu naïve du ténor. Charles Castronovo s'y montre parfait, qu'il donne la réplique au poète ou qu'il courtise la piquante Beatrice Russo (la jeune soprano Amanda Squitieri, elle aussi parfaitement dans son rôle, et qu'on imagine bien Carmen ou Zerline). Cristina Gallardo-Domâs, qui chante la femme du poète (avec un peu trop de vigueur et de vibrato dans sa première scène) et Laurent Alvaro, impeccable dans le rôle de Di Cosimo, le politicien local, participent à cette distribution de bonne tenue, complétée par l'excellent chœur du Théâtre du Châtelet.
Surtout, malgré la langueur ambiante, quelques trouvailles disséminées ici et là conservent à l’œuvre de loin en loin son intérêt : les apparitions régulières et pompeuses de Di Cosimo ; la partie de baby-foot – première rencontre de Mario et Beatrice – au son d'une musique de danse plus sauvage qu'entraînante, rythmée par les cris de la jeune femme ; l'intrusion de voix enregistrées ou filtrées par le microphone ; le chant flamenco du père de Mario, jusqu'alors muet, lors du mariage de son fils. De même, l'utilisation – systématique – d'images vidéo pour le fond de scène crée parfois de beaux décalages avec le décor, simple et naïf, sur scène. Enfin, et c'est peut-être là l'essentiel, le livret de Daniel Catán tient le pari, risqué mais réussi, d'y mêler aux dialogues la poésie – et les fameuses métaphores – de Pablo Neruda.
Jean-Guillaume Lebrun
Daniel Catán : Il Postino – Paris, Théâtre du Châtelet, 20 juin. Prochaines représentations les 24, 27 et 30 juin 2011.
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Photo : Marie-Noëlle Robert / Théâtre du Châtelet
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