C’est à l’initiative de Gaëtan Puaud qu’est né en 1998 le Festival Messiaen au Pays de La Meije, dans une région où le compositeur, Dauphinois dans l’âme, aimait se ressourcer face aux somptueux paysages des Alpes pour y entendre le chant des oiseaux dont il a nourri son œuvre. A chaque édition sa thématique : après la venue en résidence de Pierre Boulez l’an dernier, l’accent est mis cette fois sur la relation entretenue par Messiaen avec les couleurs et les sons en présence de Tristan Murail, disciple du maître (et fondateur avec Gérard Grisey et Michaël Levinas de l’Itinéraire, parangon du mouvement spectral). Une journée d’étude animée par Claude Samuel s’inscrit dans cette démarche en plaçant le phénomène du son et des couleurs dans ses composantes spatiales et temporelles autour de Messiaen, Murail, Grisey, mais aussi de Scriabine et de Rimski-Korsakov, avec entre autres des communications d’André Lischke et du scientifique belge Jean-Marie André (une introduction d’une clarté didactique sur les phénomènes ondulatoires).

Le récital de Vanessa Wagner met en correspondance Scriabine (Sonate n°9), Webern (Variations op 27), Debussy (Estampes), Dusapin (Etudes n°2, 3 et 4) et Murail (la subtile Mandragore composée en 1993). Son approche sensible et poétique se fait expressive dans une Mort d’Isolde de Wagner/Liszt en lieu et place des Trois Préludes de Dutilleux prévus initialement et qui auraient mieux convenu à l’esprit du moment.

Le Trio Elégiaque, quant à lui, s’affirme de plus en plus comme l’une des formations avec laquelle il faut compter. Son exécution du Trio de Ravel (1914), puissante, tendue, inquiétante, d’une maîtrise technique époustouflante, est l’une des meilleures que l’on ait entendues. La suite de concert La Création du Monde de Milhaud (1923) mais surtout les Vues aériennes pour cor, violon, violoncelle et piano de Murail (daté de 1988 l’ouvrage décrit quatre aspects d’un même objet ou d’un même paysage vus sous des apparences différentes à l’instar de la « Cathédrale de Rouen » de Monet) bénéficient des fascinants éclats de lumière du cor mordoré et ambré de Benoit de Barsony.

Venu de Lyon, l’Ensemble Les Temps modernes (photo) n’a – en modèle plus réduit - rien à envier à celui de l’Ircam. Dans des pages de Tristan Murail (La Barque mystique de 1993 et les Treize couleurs du soleil couchant de 1978), comme dans l’Harmonie des sphères d’Allain Gaussin (2006) ou Hysos de Giacinto Scelsi (1955), les musiciens, sous la direction précise et libre de Fabrice Pierre, font preuve d’une virtuosité époustouflante (à l’image entre autres du pianiste Wilhem Latchoumia, du clarinettiste Jean-Louis Bergerard, du flûtiste Michel Lavignolle, de la violoniste Claire Bernard et du percussionniste Benoît Poly). Dans la création de Jean-Luc Hervé – commande de Musique Nouvelle en Liberté – intitulée En Mouvement (une réflexion sur le temps musical et ses avatars), leur interprétation concentrée et minérale prend une dimension orchestrale.

Plus léger de ton mais très dense musicalement, le concert du lendemain met en valeur les qualités de la flûtiste Juliette Hurel, de la harpiste Christine Icart, de l’altiste Arnaud Thorette et de la pianiste Hélène Couvert dans des partitions de Messiaen, Takemitsu, Canat de Chizy, Murail, Hersant, Jolivet (superbe Incantation pour flûte solo) et Debussy – une Sonate pour flûte, alto et harpe à la rythmique exacte et acérée, aux timbres d’une sensualité à fleur de peau.

En 2012, le thème retenu sera « La classe de Messiaen » avec une création de Philippe Manoury et la venue de l’Orchestre du Conservatoire de Paris dirigé par Bruno Mantovani. En 2013 George Benjamin sera à l’honneur avec le London Sinfonietta. Des perspectives enthousiasmantes pour un festival sans cesse en quête d’une programmation originale hors de tout dogmatisme.

Michel Le Naour

Festival Messiaen au Pays de la Meije, église de La Grave, du 26 au 29 juillet 2011

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