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La Traviata à l'Opéra de Dijon - Une bien belle traînée - Compte-rendu
On ne dira jamais assez de bien de tout ce que Jean-François Sivadier a apporté à l'opéra. Débarrassant la mise en scène des concepts et du décorum, il a inventé une forme de théâtre musical centré sur le jeu, fondé sur la musique. C'était déjà le cas dans sa splendide Madame Butterfly, dépourvue de tout exotisme de pacotille. Il récidive avec cette production d'anthologie qui a très bien mûri depuis le Festival d'Aix-en-Provence, saluée par une standing ovation aussi émue que méritée à Dijon. L'idée est simple : faire de Violetta ce qu'elle est, une femme de spectacle qui brûle les planches, passionnelle et fragile, jouet du désir des autres dans une sorte de café-danse à la Pina Bausch. Lumières d'après la fête, couleurs d'un autre temps, quelques cotillons, lustres accrochés à la nostalgie : Sivadier rend à merveille ce mélange entre la gravité des amours condamnées et la légèreté volage propre à Verdi.
Violetta débarque sur scène perruquée pour l'ouverture, avant de tomber le masque comme une artiste déchue, seule en scène au finale. Aucune originalité surfaite dans ce spectacle allant droit à l'universel, habité de bout en bout par une Irina Lungu à la fois fragile et rayonnante, très bonne actrice, chanteuse flamboyante, correspondant à merveille à la tonalité mélancolique du spectacle - cette manière délicate de céder au bonheur d'être triste. Le reste de la distribution est plutôt homogène, notamment l'Alfredo timoré comme on les aime de Jesus Leon, et la magnifique Annina d'Anne Masson, superbement utilisée par le metteur en scène pour appuyer les airs de Violetta. Seul le Giorgio Germont sans nuance et lourdement démonstratif de Dimitris Tiliakos appelle des réserves, avec des « Piangi » appuyés, davantage à faire peur qu'à faire pleurer, dans le grand duo du deuxième acte.
La direction de Roberto Rizzi Brignoli, elle, fait ressortir à la tête de l'Orchestre de Dijon-Bourgogne toutes les subtilités de la partition de Verdi, y compris la couleur wagnérienne lors du prélude du dernier acte, achevant de faire de ce spectacle l’une des plus belles productions vues ces dernières années. Le Chœur de l’Opéra de Dijon et l’Estonian Philharmonic Chamber Choir font alliance, bien préparés par Salvo Sgro. Finale saisissant où le mot de « traînée » s'efface sur le mur pendant que Violetta chante son « Addio del passato », mais où l’héroïne tient debout jusqu'à la dernière note, portée par la musique, s'avançant vers le public, avant de s'écrouler. Rarement l’ultime «Gioia » aura été mis en scène de façon aussi intelligente.
Luc Hernandez
Verdi : La Traviata – Opéra de Dijon, 7 janvier 2012
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Photo : Pascal Victor / Artcomart
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