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Lucille Chung en récital à Madrid - Sous le signe d’Achucarro - Compte-rendu
L’événement n’était pas que footballistique samedi dernier à Madrid. Bilbao a perdu la Copa del Rey face à Barcelone, mais la cité basque était à l’honneur sur le plan musical avec le lancement officiel de la Fondation qui porte le nom d’un de ses Hijos predilectos(1), le pianiste Joaquin Achucarro (né en 1937). Depuis 1989, ce dernier enseigne à Dallas dans le cadre de la South Methodist University. A l’occasion du 70ème anniversaire du maître, Janet Kafka (Consul honoraire d’Espagne à Dallas) a contribué à la mise sur pied, grâce à de généreux mécènes, de la Fondation Joaquin Achucarro à Dallas. Depuis, cette hispanophile passionnée n’a cessé de consacrer temps et énergie à une Fondation qui organise des concerts pour les élèves et anciens élèves d’Achucarro dans de nombreuses villes américaines.
Cinq ans après le lancement de la Fondation outre-Atlantique, le moment était venu de l’implanter en Europe, et donc très logiquement d’abord en Espagne ; ce qui a été rendu possible grâce à l’appui de la Fondation BBVA (Banco Bilbao Vizcaya Argentaria), présidée par Rafael Pardo Avellaneda.
Ancienne élève de Joaquin Achucarro – et co-directrice artistique avec son mari le pianiste Alessio Bax de la Fondation Achucarro à Dallas – la Canadienne Lucille Chung donnait un récital pour le lancement espagnol de la Fondation, dans le cadre prestigieux du Palacio del Marquès de Salamanca où le Tout-Madrid musical avait rendez-vous.
Curtis Institute, Juilliard School, Mozarteum de Salzbourg : Lucille Chung a connu de nombreux pédagogues avant de travailler au terme de ses études avec Achucarro et considère que ce sont les conseils de ce dernier qui l’on marquée de la façon la plus décisive. On la croit volontiers en découvrant la qualité d’un jeu que distingue une sonorité belle certes mais, surtout, toujours vivante et signifiante.
Pas une note éteinte, neutre, sous les doigts d’une interprète qui ouvre son récital avec la Sonate en si bémol majeur, KV 570. Equilibre, simplicité, luminosité : difficile de résister à un Mozart s’adressant à l’auditeur avec autant de naturel, de fraîcheur et de tendresse.
Sans transition, Lucille Chung attaque un bouquet de Préludes de Scriabine (Op. 11/1 & 2 ; Op. 16/1, Op. 11/14 et 15). Dès l’attaque du Prélude en ut majeur, l’art avec lequel elle ombre la phrase montre quelle sait assumer l’héritage chopinien tout en débusquant les prémices dont le langage musical du futur auteur du Poème de l’extase est porteur. Petit bout de femme, la pianiste maîtrise son instrument des plus infimes pianissimi jusqu’à des envolées « symphoniques » où le son ne sature jamais. La Rhapsodie hongroise n°13 de Liszt donne la mesure de l’étendue de sa palette expressive et atteint sa cible avec le brio requis mais sans céder à l’effet.
Il en est de même, en fin de concert, dans une Paraphrase de Rigoletto qui ne perd pas un instant de vue la substance - lyrique – qui la nourrit. Avant on a cédé à la poésie des Phantasiestücke op 12 de Schumann où l’interprète épouse idéalement les atmosphères changeantes du recueil et touche avec émotion à ce que l’auteur recèle de plus secret par la justesse de l’accentuation et la lisibilité polyphonique. Pour ceux qui connaissent l’extraordinaire enregistrement des Kreisleriana et de la Fantaisie par Joaquin Achucarro (1CD Ensayo), l’influence du maître sur la jeune interprète dans ce répertoire est patente – et nul ne s’en plaindra !
En bis, l’artiste canadienne rappelle au public son amour pour la musique du XXe siècle (on lui doit entre autre une superbe intégrale des Etudes de Ligeti – 1 CD Dynamic) avec la virtuose Etude de sonorité n°2 du Québécois François Morel (né en 1926). Si Lucille Chung mène une déjà très active carrière internationale, on ne l’a pas encore, sauf erreur, entendue en France. Puisse cet oubli être rapidement réparé.
Alain Cochard
(1) une distinction que Bilbao décerne avec une extrême parcimonie. Joaquin Achucarro a été fait Hijo predilecto en 2004 ; cela ne s’était pas produit depuis quarante ans…
Madrid, Palacio del Marqués de Salamanca, 26 mai 2012
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Photo : Lisa-Marie Mazzucco
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