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The King and I de Rodgers & Hammerstein au Châtelet - Un royaume magnifiquement défendu -Compte-rendu
La saison du Théâtre du Châtelet se clôt avec The King and I de Rodgers et Hammerstein, nouvel hommage au duo des maîtres de Broadway après The Sound of Music que le théâtre avait accueilli en 2011. Le résultat, une fois encore, est magnifique.
Lee Blakeley / © Roy Tan
Lee Blakeley avait depuis 2010 mis son talent au service des musicals de Stephen Sondheim, des œuvres plus distanciées, plus fragiles aussi, que ceux de l'âge d'or de Broadway, qui correspond précisément aux chefs-d'œuvre de Rodgers et Hammerstein tel The King and I. Aussi l'œuvre se prête-t-elle moins aux mouvements de plateau inventifs et malicieux qui animaient A Little Night Music ou, récemment, Into the Woods. Le metteur en scène choisit donc de laisser se dérouler les scènes pour elles-mêmes, tout en venant cependant les rythmer par un recadrage régulier du plateau, isolant tel personnage dans ses moments de doute ou au contraire ouvrant à l'infini la profondeur de chant (lorsqu'Anna et le Roi dansent sous les étoiles, au second acte).
© Théâtre du Châtelet / Marie-Noëlle Robert
Ce traitement très cinématographique de l'œuvre aide à lui conserver toute sa linéarité et son simple et parfait équilibre, jusqu'à la périlleuse représentation de La Case de l'Oncle Tom, théâtre dans le théâtre, énergiquement chorégraphiée par Peggy Hickey, mais qui préfère l'invention subtile à la comédie factice.
© Théâtre du Châtelet / Marie-Noëlle Robert
De perfection et d'équilibre, toute cette production en fait preuve. Ainsi costumes et décors (respectivement signés Sue Blane et Jean-Marc Puissant) balancent-ils entre sobriété et naïveté ; les scènes à grand spectacle – processions, scènes de cour – sur lesquelles pèse le risque de l'exotisme clinquant sont plutôt allusives (quelques gardes, un éléphant blanc défilant à l'avant-scène) quand les moments plus intimes se voient offrir toute l'étendue du plateau.
Perfection et équilibre aussi dans le choix des chanteurs-acteurs : aucun hiatus ici entre parties chantées et parlées, l'art subtil des mots d'Oscar Hammerstein, librettiste et auteur des lyrics, jouant à plein. Lambert Wilson s'empare du rôle du Roi et en fait un colosse, vocalement infaillible, qui se sait près de vaciller : l'acteur peint son rôle de toute la palette des émotions. À ses côtés, pour cette deuxième des 18 représentations, ce n'est pas la « star » Susan Graham qui joue Anna, la préceptrice des enfants royaux, mais Christine Buffle. La soprano anglo-suisse fait forte impression, elle aussi, l’actrice autant que la chanteuse.
James Holmes / © DR
Il faut une fois encore souligner le travail de Jean-Luc Choplin, le directeur du Théâtre du Châtelet, qui est parvenu en quelques années à rassembler des distributions impeccables dans des œuvres jusqu'alors inconnues des scènes parisiennes : Lisa Milne, dans le rôle de Lady Thiang, première épouse du Roi, comme la jeune Je Ni Kim (1), dans celui, tragique, de Tuptim, sont aussi de belles découvertes. Quant à l'Orchestre Pasdeloup, dirigé par le brillant James Holmes, il montre à nouveau sa passion entraînante pour cette musique qui mérite d'être défendue avec une telle ardeur.
Jean-Guillaume Lebrun
(1) Coréenne, Je Ni Kim est pensionnaire du Centre National d’Artistes Lyriques (CNIPAL)
R. Rodgers/ O. Hammerstein II : The King and I - Paris, Théâtre du Châtelet, le 14 juin, prochaines représentations les 18, 19, 20, 21, 22, 24, 25, 26, 27, 28 et 29 juin 2014 / www.concertclassic.com/concert/king-and-i
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