Journal
Faust de Gounod à l’Opéra Bastille – Baguette de poète – Compte-rendu
Succédant à Jorge Lavelli dont la légendaire production avait d'abord été conspuée avant de devenir un classique, trois décennies durant, Jean-Louis Martinoty n'aura eu les honneurs de la Bastille qu’une seule fois, en 2011. Pour éviter les outrances et le fatras pseudo surnaturel qui avait envahi le plateau, Jean-Romain Vesperini a été chargé d'assurer une nouvelle mise en scène dans le décor conçu par Johan Engels. Peu connu du grand public, le jeune artiste, ancien assistant de Pizzi et Bondy, n'a pas eu la tache facile, contraint d'éviter les écueils de son prédécesseur dans une scénographie préexistante.
Résultat, un spectacle propret mais trop sage, où une fois encore Faust, médecin parvenu au soir de sa vie est pris d'hallucinations : images réelles ou fantasmées d'un impossible amour sur lesquelles se télescopent la guerre, quelques scènes de liesse ou de libations, de meurtre et de trahison transposées dans les années trente, lui reviennent donc en mémoire dans le plus grand désordre. Cette Marguerite qu'il peine d'abord à distinguer parmi la foule et qu'il (re)voit démultipliée - rousse comme Tintin et vêtue comme lui de bleu et d'orange pour des raisons qui nous échappent ! - prend forme par la suite, avant de lui être ravie par la présence maléfique d'un étrange gentleman. Encerclé dans un imposant décor unique composé de galeries circulaires étagées, d'une bibliothèque et de deux escaliers en colimaçon, qui s'ouvre et se ferme à l'envi (et absorbe malheureusement la plupart des voix au lieu de les renvoyer), ce flash-back lisse et sans surprise se déroule ainsi jusqu'au petit jour, où l'on retrouve le médecin mort à sa table de travail, entouré par quelques Marguerite « tintinisées »....
Michel Plasson © DR
Michel Plasson est fort heureusement dans la fosse pour transcender cette soirée en un moment musical privilégié. Qui mieux que lui peut aujourd’hui procurer une telle perfection avec une œuvre tant de fois jouée, qu'il connaît comme personne et dans laquelle il parvient encore à se renouveler ? La souplesse de son tempo, la qualité de son style et la constante inspiration qui irrigue sa lecture hissent la partition vers des sommets qu'il sera difficile d'atteindre après lui.
Piotr Beczala (photo) est un Faust idéal par son jeu naturel et cette voix à la couleur slave, douce et flexible qui n'est pas sans rappeler celle d'un autre héros : Nicolaï Gedda. Dans un français aussi juste que celui de son partenaire, Krassimira Stoyanova compose une Marguerite suave et sans affectation, chantée avec une facilité déconcertante. Il est cependant regrettable que la voix de miel de la soprano fasse en partie les frais d’une acoustique désastreuse. Même remarque pour Ildar Abdrazakov, qui impressionne peu dans le rôle de Méphistophélès où l'on attend une incarnation plus démesurée que la sienne. L'instrument manque d'appui et de volume, la performance d’audace et la diction française laisse à désirer. Le mordant Valentin de Jean-François Lapointe n'hésite pas à forcer un peu sur les décibels pour se faire entendre, comme le vif Siebel d'Anaïk Morel, la trémulante Dame Marthe de Doris Lamprecht et le viril Wagner de Damien Pass, entourés par le remarquable chœur de l'Opéra.
François Lesueur
Gounod : Faust – Paris, Opéra Bastille, 5 mars, prochaines représentations les 9, 12, 15, 18, 22, 25 et 28 mars 2015 / www.concertclassic.com/concert/faust-de-gounod-1
Photo © Vincent Pontet
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