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Les Révélations Classiques Adami 2017 au Festival Pablo Casals – Beau millésime – Compte-rendu

Souvent excellente compagne de la routine, l’habitude peut aussi faire le meilleur ménage du monde avec la découverte et les bonnes surprises. A preuve le concert que l’Adami organiste rituellement le 3 août à 17h dans l’église du charmant petit village de Cattlar, à quelques kilomètres de Prades. Chaque année François Pétro et Sonia Nigoghossian, conseillères artistiques de l’Adami, concoctent une sélection de huit « Révélations » (quatre instrumentistes et quatre chanteurs) dont la première présentation au public à lieu à cette occasion.

Entrée en matière au piano solo avec Jonathan Fournel (né en 1993), un ancien élève de Bruno Rigutto, Brigitte Engerer, Claire Désert et Michel Dalberto au CNSMDP qui poursuit actuellement sa formation à la Chapelle Reine Elisabeth. Jésus que ma joie demeure (transc. W. Kempff) souligne les qualités de legato d’un jeu qui s’attache à animer la polyphonie par une mise en valeur des voix médianes. Enlevé avec aplomb mais dédaigneux de tout effet tapageur – l’ouvrage en a suffisamment vu en la matière ... –, le Scherzo n° 3 de Chopin mêle ensuite sobriété et sens narratif – il ne lui manque qu’un meilleur piano pour pleinement s’épanouir ...

Côté instruments, en alternance avec les voix, on découvre par la suite la violoncelliste Caroline Sypniewski (née en 1992), une élève de Jérôme Pernoo, qui se lance d’abord dans l’Allegro initial de la Sonate de Poulenc. Sûrement pas le plus haut moment d’inspiration du Français, mais la sonorité pure, la baguenaudante fraîcheur du propos font mouche, d’autant que le piano d’Emmanuel Normand –fidèle des rendez-vous de l’Adami – se montre parfait d’attentive complicité, ici comme tout au long du concert, et offre une réplique pleine de relief à la violoncelliste, avant de porter son tendre lyrisme dans le Nocturne op. 9 n° 4 de Tchaïkovski.

Pour la première fois dans l’histoire des Révélations Classiques Adami, le cor est représenté, et de splendide façon ! Membre du Quintette Ouranos (le lauréat du Concours de Musique de Chambre de Lyon 2017) mais aussi premier cor solo de l’Orchestre de Chambre de Paris depuis 2016, Nicolas Ramez (né en 1994) se montre digne de son maître, André Cazalet, dans l’Adagio et Allegro op. 70 de Schumann. La maîtrise instrumentale force l’admiration, mais ce sont d’abord l’imagination sonore et l’élan narratif de l’interprète qui séduisent, transformant le diptyque en une véritable scène d’opéra romantique.

Né en 1991, l’altiste Manuel Vioque-Judde, un disciple de Laurent Verney, Jean Sulem, Antoine Tamestit, Nobuko Imai, etc., possède déjà une solide expérience du concert ; l’assurance avec laquelle il s’empare de sa propre transcription du Scherzo FAE de Brahms en témoigne. Dès les premières notes, la ferveur de cet archet vous happe ; un formidable conteur prend la parole et ne vous lâche plus une seule seconde ! On ne cède pas moins au charme de la Pavane de Fauré (dans la transcription du compositeur Adrien Vioque-Judde), conduite avec autant de plénitude que de simplicité (sur un très bel instrument moderne signé Stephan von Baehr).   
 

(de g. à dr.) Nicolas Ramez, Caroline Sypniewski, Manuel Vioque-Judde, Emmanuel Normand, Jonathant Fournel, Ambroisine Bré, Kaëlig Boché, Marianne Croux © Festival Pablo Casals

Prometteuse sur plan instrumental, la « promo » 2017 des Révélations ne l’est pas moins côté voix. La valeur n’attend pas : Jean-Christophe Lanièce est encore élève au CNSMDP, où il travaille depuis 2013 avec Yves Sotin. D'une voix plein de santé, riche et claire, le baryton affirme une formidable présence scénique et déploie – avec une diction impeccable ! – une large palette expressive dans un répertoire diversifié, français (« Ballade de la Reine Mab » du Roméo et Juliette de Gounod), italien (« Come paride vezzoso » de L’Elisir d’amore) et allemand (« Lieben, Hassen » d’Ariane auf Naxos).

A Yves Sotin, on doit aussi la formation de la mezzo Ambroisine Bré dont le timbré doré, la belle homogénéité et l’aisance dans l’aigu s’illustrent d’abord, avec passion, dans un intense « Amour, viens rendre mon âme », tiré de l’Orphée de Gluck, puis, sur un mode élégiaque, dans l’air du saule de l’Otello de Rossini. La prégnante poésie, l’art de la nuance que la chanteuse apporte à sa Desdémone sont l’œuvre d’une subtile musicienne.

Tous en scène pour le rituel final offenbachien © Festival Pablo Casals

Issu de la Maîtrise de Rennes, formé au CNSMDP, Kaëlig Broché est un ténor à suivre de près. Outre un instrument riche, étonnamment souple, sans aucune acidité ni dureté dans l’aigu, il témoigne d'une élégance naturelle et stylée dans l’air « Unis depuis la plus tendre enfance » (Iphigénie en Tauride/Gluck). Quant au tempérament théâtral du jeune artiste, la facilité avec laquelle il prend possession de l’Inkslinger’s Song du Paul Bunyan de Britten en dit long à ce propos.

Cette capacité à faire immédiatement corps avec le personnage se vérifie aussi chez Marianne Croux, ancienne élève de Chantal Mathias au CNSMDP. Timbre lumineux, souplesse, naturel, son « Zeffiritti lusinghieri » (Mozart/Idomeneo) est un pur bijou de délicatesse. Le contraste avec l’air « Je dis que rien ne m’épouvante », issu de Carmen, ne souligne que mieux la justesse psychologique et l’ampleur vocale avec laquelle la soprano campe une Micaëla à rebours des oies blanches dont le rôle souffre souvent.

Et puisque la tradition a décidément du bon, Offenbach (un extrait de la Périchole) conclut comme toujours –  et de la plus joyeuse façon – le concert des Révélations Adami de Cattlar, réunissant l’ensemble de ses protagonistes. Final bissé selon l'habitude – excellente !

Alain Cochard

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Cattlar, église, 3 août 2017
 
Les Révélations Classiques de l’Adami : www.adami.fr/talents-adami/revelations-classiques.html

 

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