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1er Printemps des Orgues - Trois questions à Thierry Stiegler, directeur du CRD de Mantes-en-Yvelines
Trois orgues naissent ou renaissent à Mantes-la-Jolie en ce printemps 2013 – 15 manifestations célèbrent ce renouveau exceptionnel des orgues Mantais : le « Printemps des orgues ». A cette occasion Concertclassic a interrogé Thierry Stiegler, directeur du Conservatoire à Rayonnement Départemental (CRD) de Mantes-en-Yvelines.
Comment le Conservatoire s’inscrit-il dans cette renaissance de l’orgue à Mantes ?
Thierry Stiegler : La construction d’un orgue a été envisagée dès la création du nouveau Conservatoire (CRD), inauguré en novembre 2006, une salle de cours à l’acoustique spécifique ayant été construite à cet effet. Il s’agit d’un orgue à vocation pédagogique de taille importante (18 jeux sur 3 claviers & pédalier), construit par Olivier Chevron et Bertrand Cattiaux, complémentaire dans sa facture des orgues d’esthétique symphonique de la collégiale prochainement inaugurés : le grand orgue Merklin de 1897 (37/III+Péd.), muet depuis 1970, restauré par Laurent Plet et Yves Fossaert, et le nouvel orgue de chœur (24/II+Péd.), construit par Bernard Cogez. La classe d’orgue du Conservatoire, conduite par Christophe Simon, existe depuis de longues années. Mais l’arrivée de ces projets donne un tout autre souffle à l’enseignement de l’orgue sur notre territoire. Un second professeur, Jean-Baptiste Monnot, a été nommé en septembre 2012. L’objectif est aujourd’hui de créer un nouveau public tout en menant, parallèlement à l’enseignement de l’instrument et sur l’ensemble du territoire, des actions régulières de médiation vers les publics scolaires et autres. Nous devons contribuer à démystifier l’instrument orgue, montrer que ses ressources sonores lui permettent de s’intégrer dans toutes les musiques. La présence de l’orgue dans l’enceinte du Conservatoire facilite son accès à nos élèves et à nos publics, pour une meilleure compréhension de son fonctionnement.
Un autre aspect de la renaissance de l’orgue sur notre territoire est la disponibilité nouvelle des deux orgues symphoniques de la collégiale de Mantes-la-Jolie, sur lesquels les élèves pourront ponctuellement accéder et travailler un répertoire adapté. La présence des orgues remarquables de Versailles, Houdan, Vernon, Évreux, pour ne citer qu’eux, encourage la création d’un réseau entre les tribunes et les classes d’orgue du grand ouest parisien. C’est la prochaine étape de cette renaissance de l’orgue. Le CRD a par ailleurs vocation à être un lieu ressource dans le domaine documentaire spécialisé. La médiathèque du Conservatoire propose un fonds de 9000 documents (partitions, livres, CD, DVD, etc.). Une partie importante de ce fonds est aujourd’hui consacrée à l’orgue.
Le CRD de Mantes-en-Yvelines est un établissement de la Communauté d’Agglomération de Mantes-en-Yvelines. Nos compétences en matière d’orgue et notre savoir-faire dans le domaine de l’organisation de spectacles nous ont conduits à prendre une place centrale dans l’organisation du 1er Printemps des orgues, dont nous pilotons le projet. Il faut souligner le fait que nos élus ont pris conscience de l’importance de ce patrimoine pour ce territoire de facture instrumentale (n’oublions pas que Selmer et Buffet Crampon ont leurs usines sur le Mantois), et ont toujours soutenu ce projet. C'est bien sûr merveilleux d'inaugurer trois orgues, mais pour que ces instruments existent réellement, il est indispensable de les faire vivre, de créer un public, de former de nouveaux amateurs, de mettre en œuvre des actions de sensibilisation et de formation. C’est là notre mission.
Vous dites que l’orgue du Conservatoire, construit dans une salle de cours, est un instrument à vocation pédagogique. Comment envisagez-vous de le rendre accessible au public ?
T. S. : C’était un défi. Il n’était pas pensable de construire un orgue de cette importance et de le réserver à l’usage unique des étudiants des classes d’orgue. Dès les premiers échanges sur le projet de l’orgue, il a été exclu de le construire dans l’auditorium. Soit les organistes ne pouvaient y avoir accès, soit l’auditorium n’était plus accessible. La salle d’orgue ne pouvant recevoir que dix-neuf personnes, la solution était de trouver un dispositif pour voir et entendre l’orgue ailleurs, dans un lieu mieux adapté à recevoir du public. J’ai la chance d’avoir dans mon équipe des techniciens son et vidéo de très haut niveau. L’auditorium du Conservatoire était le lieu idéal pour accéder, même de manière virtuelle et en duplex, au nouvel instrument. Un dispositif de liaisons audio et vidéo, permanentes et de grande qualité (trois caméras et un excellent couple de micros en salle d’orgue), a été mis en œuvre entre l’auditorium et la salle d’orgue : par un écran de contrôle et une oreillette, l’organiste voit et entend (comme en tribune) les artistes se produisant sur la grande scène de l’auditorium et, à l’inverse, les artistes et le public de l’auditorium entendent et voient, grandeur nature, l’orgue d’Olivier Chevron dont l’image est projetée sur un immense écran en fond de scène, le son étant diffusé derrière l’écran. Depuis la salle, l’orgue apparaît grandeur nature sur la scène, c’est assez étonnant. J’avoue que ce dispositif n’a pas été sans poser quelques problèmes techniques, mais aujourd’hui tout fonctionne parfaitement. Bien entendu, cela ne peut remplacer une réelle présence de l’orgue dans la salle, mais cela lui permet d’être présent dans les nombreuses manifestations artistiques organisées par le CRD (plus de cent chaque année) dans l’auditorium, d’être impliqué dans les projets les plus diversifiés proposés par les équipes pédagogiques du Conservatoire.
Le public associe souvent l’orgue au culte et à la liturgie. Vous parlez des projets diversifiés dans lesquels l’orgue peut s’intégrer. Comment voyez-vous sa place au sein de la programmation d’un auditorium de Conservatoire ?
T. S. : Le CRD de Mantes accueille aujourd’hui 1300 élèves et propose plus de 100 disciplines enseignées par 76 professeurs : des musiques anciennes aux musiques actuelles, de la danse et du théâtre et aux nouvelles technologies. Disposant au sein de l’établissement de ce grand auditorium, nous menons une forte politique de diffusion culturelle impliquant l’ensemble des élèves, des professeurs et des artistes invités. Ce contexte facilite l’implication de la classe d’orgue dans toutes sortes de projets associant musique, danse et théâtre – c’est l’une des missions essentielles confiées à Jean-Baptiste Monnot, notre nouveau professeur d’orgue : amener l’orgue également là où on ne l’attend pas.
Dans cette démarche de création de nouveaux publics, il faut faire découvrir l’instrument orgue, que finalement très peu de personnes connaissent réellement, y compris les musiciens professionnels. L’orgue, par son invraisemblable diversité sonore, offre un potentiel musical et artistique pouvant s’intégrer dans quantité de projets artistiques, quels qu’en soient le style et le domaine d’expression. C’est ce que découvrent mes enseignants. Aujourd’hui, les danseurs créent des chorégraphies sur des musiques de Jean Guillou, les classes de théâtre travaillent à créer des projets intégrant l’orgue dans leur création, notre professeur de percussion jazz et afro-cubaine imagine des concerts d’improvisation avec l’orgue, des projets avec les classes de jazz et musiques actuelles sont présentement en cours d’élaboration. Les idées foisonnent.
Ces projets amènent une manière inattendue de découvrir un autre aspect de l’orgue, tout en découvrant réellement l’instrument orgue. Il va de soi que cette ouverture vers d’autres domaines n’exclut pas d’entendre l’orgue dans son répertoire, bien au contraire, que ce soit avec chœur et/ou orchestre ou toute autre formation instrumentale, et naturellement en solo. Il n’est surtout pas question de retirer à l’orgue l’immense répertoire qui est le sien, riche de tant d’admirables chefs-d’œuvre de la Renaissance à nos jours et que nous devons là aussi faire découvrir ou redécouvrir. Mais je crois que si l’on veut sauver l’orgue demain, si l’on veut contribuer à sauver ce merveilleux métier qu’est la facture d’orgue, aujourd’hui en danger, nous devons aussi entendre l’orgue dans d’autres lieux que nos églises et cathédrales, contribuer à élargir le champ esthétique de l’orgue, amener les créateurs et le public vers lui. Ce sont eux qui feront que l’orgue aura une place, ou non, demain. Nos conservatoires forment les artistes et les publics de demain. Là, nous avons un grand rôle à jouer.
Propos recueillis par Michel Roubinet, le 6 mai 2013
Programmation du « Printemps des orgues dans le Mantois » (du 11 au 26 mai 2013) http://orgueenmantois.wordpress.com/les-facteurs-dorgues/le-printemps-de... http://www.jtm-info.fr/actualite/37-evenement/2321-le-nouveau-souffle-de...
École nationale de musique, de danse et de théâtre de Mantes-en-Yvelines
http://www.enm-mantes.fr
La revue trimestrielle Orgues Nouvelles, dans son numéro de printemps (n°20), consacre un dossier au Printemps des orgues à Mantes-en-Yvelines.
http://orgues-nouvelles.weebly.com
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Photo : DR
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