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Concert de réouverture de Notre-Dame de Paris (Musique Sacrée à Notre-Dame) – En parfaite harmonie – Compte-rendu

 
Inutile de décrire l’émotion un peu fiévreuse du public pénétrant dans le vaisseau enfin rendu à sa splendeur et sa blancheur primitives, que nul n’a connues véritablement, les siècles ayant accumulé leur poussière sur ses voûtes, avant le coup de grâce de 2019. Inutile de dire la joie du recteur, Monseigneur Olivier Ribadeau-Dumas, du Président de Musique Sacrée à Notre-Dame, Emmanuel Brochier, ainsi que l’engagement des solistes, du Concert d’Astrée et de la Maîtrise Notre-Dame de Paris, qui jamais n’a cessé de travailler jusqu’à ces exaltantes journées de réouverture. Un auditoire dans un état d’intense concentration a donc recueilli en ouverture deux pièces antiques, le Grand Salve Regina, tradition parisienne du XIIe siècle et O Virgo splendens, du Livre Vermeil de Montserrat, aux volutes délicatement dessinées par la Maîtrise, comme des orfèvreries. Retour aux sources pour retracer en douces sonorités la vocation première de la cathédrale.

 

© Msndp

Comme aiment à le rappeler les responsables de ces concerts de musique sacrée, Notre-Dame, toujours, a su recueillir les échos de son temps pour les exalter par le chant et plus tard l’orgue. Place était donc faite ensuite à deux compositeurs d’aujourd’hui, pour affirmer ce vouloir d’ouverture aux infinies fluctuations des sensibilités musicales, variables mais toujours tendues vers une affirmation commune : avec Lux Aurumque, c’était à l’Américain Eric Whitacre (1970), vraie vedette des nouvelles formes, de projeter ses intuitions irisées, et ici peu provocantes, tandis que le Regina Caeli de Lise Borel (1993), jeune compositrice à laquelle la Maîtrise a déjà fait appel, se déployait comme un grand moment de sérénité, dans un style délié, dont on retiendra l’esprit plus que la lettre.

 

Henri Chalet © Léonard de Serres

 
Puis entrée en gloire, contraste époustouflant après ces instants paisibles, avec le choc massif de la musique de Messiaen pour L’Apparition de l’Eglise éternelle : comme une grande nef cinglant vers le large, l’orgue a jeté les feux de tous ses tuyaux sous les doigts vainqueurs de Vincent Dubois, secouant la délicieuse douceur qui avait régné jusque là pour rappeler la grandeur écrasante d’un royaume qui n’est peut-être pas de ce monde, mais s’y fait bien entendre.

 

Emilie Fleury © Léonard de Serres

 
Enfin, le maître d’entre tous, avec le Magnificat de Bach, pour lequel tous ont uni leurs forces : non que l’acoustique rende ici justice aux subtilités de l’écriture, mais la dimension jubilatoire de l’œuvre n’en était pas moins exaltée, grâce aux riches sonorités du Concert d’Astrée, sous la conduite d’Henry Chalet, des chatoiements ou des éclats de la maîtrise, gradués par Emilie Fleury et des voix sans failles des cinq solistes, dominés par l’étincelante virtuosité demeurée intacte, comme une oasis de fraîcheur, de Sandrine Piau, la richesse de timbre d’Eva Zaïcik, ancienne de la Maîtrise et aujourd’hui interprète acclamée, outre les solides Lucile Richardot, Julien Behr et Guilhem Worms. Tous sont ressortis grisés par la force de cet irrésistible mariage : lumière et musique. Mariage qui se poursuivra tout au long d’une riche saison de musique sacrée, rythmée par des récitals d’orgue entre des concerts d’inspirations multiples, où Mozart voisinera avec Lully ou Machuel, en parfaite harmonie.
 
Jacqueline Thuilleux
 

 
> Les prochains concerts à la Cathédrale Notre-Dame-de-Paris <

Paris, Cathédrale Notre-Dame, 18 décembre 2024-12-19
www-musique-sacrée-notredamedeparis.fr

Photo © Msndp 

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