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Le Duo Kolesnikov/Tsoy et Elena Stikhina à Fondation Louis Vuitton – Le printemps et Wagner

L’exposition « David Hockney 25 » fait l’événement à la Fondation Louis Vuitton (jusqu’au 31 août prochain), vaste rétrospective qui embrasse l’activité du peintre britannique de 1955 à aujourd’hui, et ne manque pas de rappeler les liens de l’artiste avec l’univers musical. Les responsables de la programmation de l’Auditorium ont saisi l’occasion pour proposer deux concerts en lien direct avec Hockney dont le premier, confié aux pianistes Pavel Kolesnikov et Samson Tsoy et à la soprano Elena Stikhina, s’articulait autour de deux thèmes : le printemps et Wagner.
Une dimension chorégraphique continûment présente
Amoureux de la couleur, le peintre s’est beaucoup inspiré du premier et c’est par la version pour deux pianos des Voix du printemps de Johann Strauss fils (dans l’arrangement du Suisse Willy Rehberg) que s’ouvre le programme. Fluidité, chic très viennois, couleurs tendres : Kolesnikov et Tsoy rendent idéalement justice à l’esprit de cette rare transcription.
Une œuvre d’une tout autre nature suit : Le Sacre du printemps dans sa version à quatre mains. Il était difficile de faire l’impasse sur cette pièce quand on sait qu’Hockney réalisa les décors pour une production du ballet de Stravinski en 1981 au Metropolitan Opera. Même mu par vingt doigts d’une incroyable virtuosité, le piano ne saurait rivaliser avec l’orchestre du Russe. Le duo en a parfaitement conscience : rien ici des approches enivrées de décibels, pour ne pas dire « cognées », qu’on a pu ... subir dans cette partition. Le piano reste piano et les exécutants misent sur la variété des attaques, l’exploitation d’une palette de couleur très large, au service d’une lecture vivante et intense qui ne perd pas un instant de vue la dimension chorégraphique de la musique. Elle touche sa cible sans une once de tape-à-l’œil !

© Fondation Louis Vuitton / Gaël Cornier
De rares transcriptions wagnériennes
L’attachement de David Hockney à la musique de Wagner n’est plus à dire ; il s’est entre autres illustré dans le film Wagner Drive, grande ballade automobile sur les routes californiennes accompagnée par la musique du démiurge de Bayreuth. Un extrait de ce film (un peu long sans doute dans le cours d’un programme très développé, qui souffrait par ailleurs de trop d’entrées-sorties de scène) ouvre la seconde partie, avant que les pianistes ne se lancent dans la transcription pour deux pianos par Preben Antonsen de Short Ride in a Fast Machine de John Adams et domptent avec aplomb sa formidable énergie.
Place à Wagner ensuite avec trois des Wesendonck Lieder (les nos 1, 5 et 3), servis avec beaucoup de poésie par la riche voix d’Elena Stikhina. Trois pièces qui se répartissent autour de trois transcriptions. Dans l’ouverture du Vaisseau fantôme adaptée à deux pianos par Claude Debussy, Kolesnikov et Tsoy délaissent une part du souffle romantique pour plutôt songer au transcripteur et travailler sur le coloris. Vision étonnante, partiale, mais parfaitement assumée. On est bien au cœur du drame en revanche avec la belle transcription à deux pianos du Prélude de la Walkyrie par Hermann Behn, restituée de façon ardemment tempétueuse.
Un autre arrangement, peu souvent donné lui aussi, celui de la Mort d’Isolde pour voix et deux pianos de Franz Liszt, conclut et montre le duo attentif à faire corps avec la ligne vocale de l’héroïne jusqu’à son dernier souffle.
Alain Cochard

Paris, Auditorium de la Fondation Louis Vuitton, 12 avril 2025. (Le concert sera retransmis en différé sur Radio Classique à une date restant à déterminé).
Photo © Fondation Louis Vuitton / Gaël Cornier
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