Journal
61e Festival d’Aix-en-Provence - Quadrige aixois
La crise est passée par là : cet été Aix présente juste quatre productions lyriques dont sur le papier seulement deux retiennent vraiment l’attention. La coda du Ring, selon Stefan Braunschweig est la dernière attache qui reliera encore Bernard Foccroulle à l’encombrant héritage que lui aura légué le facétieux Stéphane Lissner : partir pour la Scala en laissant à son successeur le pensum d’un Ring – qui plus est en terre aixoise donc mozartienne – c’était grever pour quelques éditions une bonne part de ses moyens et donc de sa créativité. Mais ce Ring super luxe (musicalement) et tout juste honnête scéniquement trouvera peut-être dans le vaste roman qu’est le Götterdämmerung de quoi briller et surprendre plus que durant les trois précédentes étapes. Berlin, Rattle, et une distribution dont Bayreuth n’ose plus même rêver (Heppner, Petrenko, même Von Otter), allèchent fatalement.
Contrecarrant le grand appareil wagnérien, Foccroulle ose le flamboyant couronnement de la jeune carrière lyrique mozartienne, cet Idomeneo qui se démarque du carcan seria en reprenant au livret de Danchet les couleurs, la liberté, l’imaginaire (et même le monstre) de la Tragédie Lyrique : chœurs omniprésents, orchestre virulent et poétique, dramaturgie étrange, rien moins qu’un chef-d’œuvre sur lequel les metteurs en scène soit se cassent les dents soit font a minima (voyez le spectacle de Bondy pour Garnier).
Avoir désigné Olivier Py pour (re)lire le drame tenait de l’évidence, et d’emblée le directeur de l’Odéon a déclaré qu’il éclairerait le véritable nœud dramatique de l’intrigue, ce rapport impossible entre un fils, Idamante, et son père Idomeneo : entre les deux hommes, et en scène Idomeneo sera ténor (et quel ! Yann Beuron) et non mezzo, un conflit ne s’est pas réglé, le père assassinerait bien son fils, tenté par l’occasion que lui offre le destin. Fil dramaturgique parfait pour le théâtre de Py, qui fera son miel du background de l’œuvre : les peuples, libres ou esclaves, comme le souverain, veulent s’y délivrer d’une religion dévoyée. Distribution brillante et surtout parfaitement composée, avec pour reprendre les rôles confiés par Mozart aux sœurs Wendling, créatrices d’Illia et d’Elletra, Sophie Kartäuser et Mireille Delunsch, Richard Croft pour les redoutables vocalises et les lignes tendues du rôle titre, et dans la fosse Marc Minkowski et ses Musiciens du Louvre, qui depuis leur Mithridate salzbourgeois ont prouvé leurs affinités naturelles avec la langue tumultueuse du jeune Mozart.
La Flûte enchantée selon William Kentridge, élégante, subtilement dirigée mais tournant un peu en rond, venue de la Monnaie, n’offre aucune surprise, ni scéniquement, ni musicalement, René Jacobs la reprenant à l’identique, avec ses maniérismes et son ton faussement naïf, offrant une distribution à découvrir cependant.
Découverte plus certaine avec un Orphée aux enfers réglé par Yves Beaunesne et dirigé par Alain Altinoglu. Aix a bien raison d’inviter ce Mozart du Faubourg que fut Offenbach, il y fera probablement une belle carrière.
Quelques concerts : le 5 juillet, Boulez dirige les Berlinois dans un programme Ravel Bartok (avec Aimard au piano), le 8 et le 11 Rattle reprend sa phalange en main, tout d’abord pour un programme Haydn Ravel (Lang Lang au piano), puis pour un doublé déjà bien rodé (Borodine, Stravinsky). Ne pas louper Heinrich Schiff redisant ses Suites de Bach les 23 et 24. Un festival Kozena pour ceux qui aiment (Lamenti baroques le 6, programme Haydn le 10), auquel nous préférons le fabuleux récital Haendel de DiDonato et Rousset, oui, déjà vu, documenté au disque, mais ébouriffant et émouvant tour à tour, un véritable opéra à lui seul (le 27).
Jean-Charles Hoffelé
Festival d’Aix-en-Provence, du 3 au 31 juillet 2009
www.festival-aix.com
Richard Wagner : Le Crépuscule des Dieux, Grand Théâtre, les 3, 6, 9 et 12 juillet
Wolfgang Amadeus Mozart : ldomeneo, les 4, 7, 10, 13, 15 et 17 juillet
Jacques Offenbach : Orphée aux enfers, les 5, 8, 9, 11, 14, 16, 18 et 20 juillet
Wolfgang Amadeus Mozart : La Flûte enchantée, les 25, 26, 28, 29, 30 et 31 juillet
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Photo : DR
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