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63èmes Musicales de Colmar – Au bonheur de la musique de chambre – Compte-rendu
« Colmar est tout simplement la plus belle ville du monde », écrivait Georges Duhamel en 1931. On peut affirmer en 2015 qu’outre sa beauté pittoresque et la prodigieuse richesse de son patrimoine artistique - qui peut s’enorgueillir de conserver le Retable d’Issenheim de Matthias Grünwald, l’un des chefs-d’œuvre de l’art occidental - Colmar est la plus accueillante des villes pour offrir à la musique l’écrin de son théâtre, le silence de ses églises.
Cette tradition musicale remonte à 1953, année où naissent en accord avec le goût pour les manifestations culturelles, Les Jeudis du Vieux-Colmar qui proposent aux amateurs concerts et activités axées sur les arts. En 1983, l’aménagement de nouveaux espaces acoustiques permet une programmation exigeante qui balaie les siècles du Moyen Âge à la musique contemporaine en invitant orchestres, ensembles, artistes de renom international tel Pierre Boulez et l’Ensemble Intercontemporain, sans oublier de jeunes talents prometteurs.
Depuis 2004, date de la nomination du violoncelliste Marc Coppey à la direction artistique des Musicales, l’identité vivace du festival s’est trouvée renforcée en résonance avec l’évolution des pratiques musicales. Une politique de commandes à des compositeurs contemporains est engagée. Une programmation variée se déploie en un cycle de concerts donnés pendant la semaine de l’Ascension, centré sur une thématique. Les artistes en résidence partagent, sans hiérarchie, ni préséance, répétitions et concerts dans une ambiance chaleureuse. Ainsi s’instaure une véritable complicité artistique perceptible dans la qualité harmonieuse et l’équilibre sonore de l’exécution des partitions préparées par le travail d’une équipe soudée. Les musiciens comme le public fidèle des Musicales sont particulièrement sensibles à cet état d’esprit d’ouverture et de convivialité qui lie l’art et la vie.
Pour l’édition 2015, Marc Coppey a laissé carte blanche aux musiciens. « Les artistes invités, tous solistes et chambristes de réputation internationale, ont suggéré une liste des œuvres qu’ils souhaitaient jouer. J’ai pris plaisir à les associer librement pour réaliser un programme particulièrement festif qui nous a permis d’entendre nombre de chefs-d’œuvre du répertoire connus ou certains à découvrir », confie avec jubilation le directeur artistique. Les concerts se sont déroulés dans différents sites, hauts lieux du patrimoine alsacien.
A Colmar, l’église Saint-Matthieu, qui bénéficie d’une remarquable acoustique, a été le cadre de moments intenses. Vendredi 15 mai, le Quatuor Takács donne du Quatuor en sol majeur op.76 de Joseph Haydn une lecture limpide et homogène, tout en subtiles nuances, empreinte d’une sensibilité au plus près du texte musical pour en valoriser la forme et les registres contrastés. Les Histoires naturelles de Ravel suivent, chantées avec un sens du texte humoristique de Jules Renard par Anna Reinhold, soprano espiègle à la voix claire et lumineuse, et commentées par le piano de Peter Laul. Le Quintette "La Truite" de Schubert unit Peter Laul, Charlotte Juillard, Alexander Zemtsov, Marc Coppey et à Niek De Groot avec une vitalité mélodique et une délicate et belle alliance des timbres. Le lendemain, Martin Beaver et Charlotte Julliard, Alexander Zemtov, Marc Coppey et Lise de la Salle offraient une vision vigoureuse et véhémente du Quintette avec piano en fa mineur op.34 de Brahms.
Dans le charmant théâtre municipal, la musique de chambre est aussi à l’honneur avec des œuvres majeures. Les Takács valorisent avec une grande justesse stylistique l’unité à travers une mosaïque de motifs, de sonorités et de couleurs du Quatuor à cordes de Debussy. Liana Gourdjia, Marc Coppey et Peter Laul signent pour leur part une interprétation aussi finement expressive qu’aboutie du Trio de Ravel.
Le voyage musical se double d’un voyage travers des lieux pleins de charme : à l’église du village de Horbourg-Wirh des duos font alterner instruments et interprètes avec brio et parfois avec humour : violoncelle et contrebasse (Rossini), deux violons (Prokofiev), clarinette et violoncelle (Hindemith), violon et alto (Mozart). Le domaine viticole Josmeyer à Wintzenheim est l’occasion de marier le plaisir de la musique et la dégustation du vin local. La Chaconne de Bach/Busoni est servie par le jeu tout à la fois sensible et puissant, à la technique impeccable de Lise de la Salle. Ravel a célébré le plaisir du vin dans sa Chanson à boire dont Anna Reinhold, accompagnée de Peter Laul, restitue toute la saveur.
A l'église de Turckheim © Michel Spitz
Dans l’église du ravissant village de Turckheim, deux sommets de la musique de chambre referment les Musicales, réunissant Martin Beaver, Liana Gourdjia, Charlotte Juillard, Philippe Lindecker, Naoko Shimizu, Alexander Zemtsov, Jan-Erik Gustafsson, Marc Coppey. Avec Ronald Van Spaendonck à la clarinette, le Quintette op. 115 de Brahms montre une intensité lyrique empreinte de subtiles nuances, entre ombre et lumière, avant que le juvénile Octuor op. 20 de Mendelssohn ne conclue avec une fluidité et une simplicité purement poétiques.
Marguerite Haladjian
Colmar et ses environs, 15-17 mai 2015
Photo © Michel Spitz
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