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Aaron Pilsan en récital aux Pianissimes / Musée Guimet – In extremis – Compte-rendu
Une correspondance ratée à Cologne sur le chemin depuis Berlin, où il réside : il s’en est fallu de peu qu’Aaron Pilsan ne gagne pas à temps Paris pour la soirée de clôture de la saison des Pianissimes. Il est arrivé in extremis, mais assez tôt heureusement pour que le rendez-vous soit maintenu et que le public très nombreux rassemblé à l’Auditorium du Musée Guimet profite du récital de ce remarquable artiste de 27 ans. Autrichien avec des ascendances roumaines, formé au Mozarteum de Salzbourg, puis par András Schiff et Lars Vogt, Pilsan est un habitué de salles de concerts depuis longtemps ayant fait partie dès ses 19 ans du programme Rising Star d’ECHO (1).
Le pianiste n’a guère eu le temps de se familiariser avec le beau Steingräber qui l’attend mais, dès les trois numéros (1, 8 & 10) tirés des 12 Etudes d’exécution transcendante de Liszt, il se montre pleinement maître de son sujet : le Preludio, vivement lancé et fermement tenu, montre une sonorité très pleine qui fait autant merveille dans Chasse sauvage ou la fa mineur, d’une expression passionnée, nullement racoleuse.
Après cette mise en doigts romantique, place à Beethoven et sa 32e Sonate. Jamais Pilsan n’entreprend de déposer une gerbe au pied de l’ultime-sonate-de-Beethoven ; jamais il ne surcharge l’Opus 111 d’un quelconque poids testamentaire. Sous ses doigts, la musique avance et possède toujours la tension nécessaire pour traduire l’incroyable foisonnement expérimental de l'écriture avec une large respiration, des couleurs admirables et une présence scénique aussi humble que généreuse.
Pilsan laisser parler la part roumaine de sa généalogie en fin de programme avec la Troisième Suite « Pièces impromptues » de Georges Enesco ; une partition écrite à Paris en 1917 qui conjugue imprégnation de la musique française et attachement à la terre natale. La souplesse et la liberté avec lesquelles il aborde la Mélodie introductive disent sa compréhension intime d’un opus dont le suc harmonique est de bout en bout restitué. Au cœur de l’Opus18, la Burlesque bondit, avec esprit et brio mais sans rien de débraillé. Quant au Choral et au Carillon nocturne, magiques, ils donnent la mesure de la vaste palette sonore de l’interprète et achèvent de convaincre ceux qui découvrent l’ouvrage du génie d'un maître trop rare au concert.
A l’enthousiasme de l’auditoire, Pilsan répond généreusement avec une jubilatoire Rhapsodie roumaine n°1 d’Enesco, suivie des deux premiers Préludes et fugues du Livre I du Clavier Bien Tempéré, recueil dont le pianiste a signé un très bel enregistrement pour Alpha Classics. Un Bach au piano résolument assumé !
Un coup de chapeau enfin à Olivier Bouley, directeur artistique des Pianissimes qui, une fois de plus, a eu l’idée d’inviter un artiste particulièrement rare en France.
Alain Cochard
(1) ECHO : www.concerthallorganisation.eu/emerging-talent/rising-stars/20212022-season
Paris, Musée Guimet, 13 juin 2022 (Récital disponible à la réécoute sur la plateforme RecitHall).
Photo © Marie Staggat
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