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Aida à l’Opéra Bastille - Déception pharaonique - Compte-rendu
En faisant appel à Olivier Py pour remettre enfin Aida au répertoire de l'Opéra National de Paris après quarante-cinq ans d’absence, Nicolas Joel savait qu'il prenait des risques, mais comme au poker il a préféré défier son entourage pour tenter un coup de maître et finalement tout perdre.
Nous n'imaginions certes pas retrouver notre Aida dans la poussière égyptienne, pieds nus dans ses sandales, brou de noix sur les bras et le visage, maquillée comme Néfertiti entre deux pyramides, trois palmiers et quatre esclaves battant l'air de leurs palmes dans les appartements luxueux d'Amneris, mais de là à la voir en robe du soir entourée de soldats en treillis, dans une ville en guerre occupée par de riches colons autrichiens opposés à de pauvres Italiens sur fond de nationalisme exacerbé, nous avions rêvé à d'autres alternatives.
Après avoir tout donné sur Alceste à Garnier, Olivier Py et son décorateur Pierre-André Weitz se sont contentés de plaquer sur ce drame les plus paresseuses images qui soient. La peur du grand spectacle et du péplum hollywoodien ne les a pas empêchés de sombrer dans le monumental, avec ces décors clinquants tournant sans explication rationnelle sur eux-mêmes, d'un toc absolu, ses soldats armés jusqu'aux dents esquissant quelques ballets ridicules pour exciter les femmes des colons, la pire des trouvailles étant celle du charnier où s'entassent les corps nus, chambre froide morbide dans laquelle finiront leurs jours Radamès et Aida. Face à tant de platitude le public, furieux a rapidement fait connaître au metteur en scène – qui doit s’attaquer prochainement à un autre monument lyrique, Dialogues des carmélites de Poulenc au TCE – sa désapprobation, par de cinglantes huées.
La mission de Philippe Jordan n'était pas facile dans ce contexte, mais sa probité musicale, son respect du texte et ses convictions théâtrales ont été d'un grand réconfort, sa direction souple et engagée où la nuance est reine s'avérant supérieure à sa précédente incursion verdienne (La forza del destino). Avec une distribution si peu concernée, le chef n'a malheureusement pu réaliser aucun miracle : voix commune à l'aigu sec et métallique, Oskana Dyka n'a rien de l'Aida sensuelle et raffinée que nous espérions. Marcelo Alvarez essaie de styliser vocalement son Radamès, mais son souffle est court et son extension limitée, comme son jeu toujours aussi désolant. Luciana D'Intino que nous avions appréciée dans Gioconda (Laura), en méforme, ne peut à aucun moment rendre justice au rôle glorieux d'Amneris, ne parvenant ni à masquer un instrument à l'étoffe mitée, ni à négocier sans effort les nombreux passages de registres. L'Amonasro à l'émission mécanique de Sergey Murzaev est bien pâle, le Roi de Carlo Cigni, le puissant Ramfis de Roberto Scandiuzzi et surtout les Choeurs de l'Opéra, toujours aussi excellents, relevant le niveau général. Un beau gâchis !
François Lesueur
Verdi : Aida – Paris, Opéra Bastille, 10 octobre 2013, prochaines représentations les 15, 20, 25, 29, octobre, 2, 6, 9, 12, 14 et 16 novembre 2013.
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Photo : Opéra national de Paris/ Elisa Haberer
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